La propagande faite en faveur du duc d’Orléans exaspéra les républicains réunis à l’Hôtel de Ville : « S’il en est ainsi, s’écriaient-ils, la bataille est à recommencer, et nous allons refondre des balles. » À vrai dire, il s’était formé autour de Lafayette, à l’Hôtel de Ville, un bureau de renseignements plutôt qu’un centre d’action, qu’un gouvernement. C’est que Lafayette, qui d’ailleurs toute sa vie reçut l’impulsion et jamais ne la donna, était à l’âge où l’initiative hardie est le plus rare. Béranger, aussi populaire que lui, croyait encore moins que lui à la possibilité de la République. Il n’y croyait même pas du tout.
Béranger était le poète de la bourgeoisie libérale. Sa pensée, comme son art, était juste-milieu. Il avait trop chanté la gloire de Napoléon Ier pour n’avoir pas un faible pour le jeune Napoléon II ; il avait trop chanté la liberté, chansonné les nobles et les prêtres, pour n’avoir pas un faible pour la République. Mais Napoléon II était prisonnier de son grand-père, ou plutôt de Metternich, à Schœnbrunn, et la bourgeoisie n’était pas républicaine. Béranger avait été aperçu dans un groupe d’orléanistes à la salle Lointier ; il s’était retiré dès que la majorité de la réunion avait manifesté sa préférence pour la République, et s’était rendu en hâte auprès de Lafayette, pour joindre ses efforts à ceux de Rémusat et d’Odilon Barrot en faveur du duc d’Orléans. Il fut certainement de ceux qui empêchèrent Lafayette de signer