Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/143

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Le Congrès, ayant accepté finalement le traité dit des Dix-huit Articles élaboré par la conférence de Londres, élut roi des Belges le prince Léopold de Saxe-Cobourg, et la Belgique finit par se persuader que son choix avait été libre. Il faut reconnaître que le nouveau roi se comporta toujours de manière à fortifier cette illusion.

Mais la Hollande n’acceptait pas le traité de Londres. Le 1er août, le roi Guillaume mettait ses troupes en marche sur Bruxelles. Au cri de détresse poussé par Léopold, Casimir Perier répondit par un coup de maître. L’invasion de la Belgique par l’armée hollandaise avait surpris le cabinet français en pleine crise. Furieux de n’avoir fait triompher qu’à une voix de majorité son candidat à la présidence de la nouvelle Chambre, Casimir Perier, nous l’avons vu plus haut, avait porté sa démission au roi.

À ce moment arrivait à Paris la nouvelle des événements de Belgique. Plus que jamais, on avait besoin au pouvoir d’un homme énergique et résolu. On fit comprendre sans peine à Casimir Perier que le retrait de sa démission pouvait se colorer d’un motif élevé. Il resta donc et prit sur-le-champ une décision à laquelle l’accord intervenu entre la Belgique et les puissances par le traité des Dix-huit Articles ôtait d’ailleurs toute hardiesse comme tout péril : il donna l’ordre au maréchal Gérard d’entrer en Belgique à la tête de cinquante mille hommes et de marcher sur l’armée hollandaise, qui avait déjà mis en déroute un corps belge et se dirigeait sur Bruxelles complètement découvert.

Il y eut bien quelques récriminations dans les cours européennes, mais il fut facile à Louis-Philippe de leur prouver qu’il n’avait agi ainsi que pour assurer l’exécution du traité de Londres. Il les rassura pleinement en rappelant le corps du maréchal Gérard aussitôt que l’armée hollandaise eut évacué le sol belge. L’acte du gouvernement français, en dépit de son apparence belliqueuse, servit en réalité très utilement la paix européenne.

Il est certain, en effet, que si la France fût demeurée inerte et que l’armée hollandaise eût reconquis la Belgique, les puissances, surtout les puissances continentales, eussent déchiré avec joie un traité que leur avait imposé la force du fait accompli. Ici, Louis-Philippe refusa donc de faire le jeu de la contre-révolution européenne, et comme il était fort de la signature des puissances, apposée au bas du traité des Dix-huit Articles, elles durent se résigner et faire bonne figure à mauvais jeu. En matière de politique extérieure, Louis-Philippe exerçait une action si personnelle et si directe qu’il est impossible d’hésiter à lui accorder le bénéfice d’une initiative qui accorda ensemble l’intérêt national, les droits de la nationalité belge, la paix européenne et les sentiments du gouvernement libéral de l’Angleterre, sans permettre aux puissances de l’Europe continentale de protester d’une manière précise.

Quelques jours auparavant, une flotte française avait forcé à coups de canon l’entrée du Tage et avait été porter jusque sur les quais de Lisbonne un ultimatum auquel accéda sur-le-champ le gouvernement absolutiste de dom Miguel. Ce