Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/383

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marchandage. « Quoi de plus facile pour vous, en effet ? Vous pouvez former de petites sociétés de six, huit ou dix membres, selon le cas : chacune des sociétés choisira celui de ses membres en qui elle aura le plus de confiance : elle en fera son gérant, son intermédiaire auprès de l’entrepreneur. Il prendra la place de l’ancien marchandeur ou tâcheron ; mais alors ce sera au profit de tous les associés. On partagera ensuite le gain entre tous, selon la part de travail de chacun, en réservant toutefois une certaine somme pour former un fonds qui permette à la société d’agrandir plus tard le cercle de ses opérations. »

On le voit : il ne s’agit pas de coopératives de production proprement dites, où les ouvriers sont propriétaires du matériel et vendent pour leur compte et à leurs risques les produits de leur travail, mais de l’organisation du travail en commandite, par contrat collectif passé avec l’employeur. Mais cela, pour les travailleurs de l’Atelier, c’était la première étape, la seule qui permît au travailleur associé à ses camarades de songer à acquérir la propriété des instruments de production.

Substituer au prétendu contrat individuel le contrat collectif de travail, même dans sa forme primaire de la commandite, que dès 1843 les typographes devaient adopter, et par l’intermédiaire du syndicat transformer en contrat collectif achevé, c’était tout au moins donner aux travailleurs le moyen de défendre leur salaire et les conditions de leur travail.

L’association de production n’était guère accessible qu’aux ouvriers des industries où la valeur de leur travail dépassait la valeur du matériel de production. Il n’en était pas de même du contrat collectif de travail, qui pouvait être pratiqué dans toutes les industries. Aussi, sans cesser de préconiser la pratique de l’association de production et de donner en exemple la seule qui ait réussi à se fonder, celle des bijoutiers, l’Atelier revient-il fréquemment sur la nécessité de remplacer les contrats individuels de travail par les contrats collectifs.

L’Atelier, dès ce premier numéro, indique assez clairement ses préférences politiques. Dans un article sur les coalitions où il déplore « l’appel fait à la force par les ouvriers et par le gouvernement, les premiers pour servir leurs intérêts, et le second dans l’intérêt de sa conservation », il indique en ces termes la route à suivre : « Réclamer le droit d’association » et « nous rallier tous sous un même drapeau… celui de la Révolution française ».

Il ne peut en dire plus long sur ce sujet, le pauvre petit journal ouvrier, sans tomber sous le coup des lois de septembre ; mais on sent bien ses préférences républicaines. Buchez, son inspirateur, n’est-il pas l’auteur de l’Histoire parlementaire de la Révolution française, ce livre où revivent les séances de la Convention et du club des Jacobins ? Ah ! si l’Atelier pouvait payer le cautionnement qui donne aux journaux le droit de s’occuper de