Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/449

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volontés. La France, l’immense peuple des consommateurs, leur devait une rançon. Le roi allait-il permettre qu’elle pût s’y soustraire ?

La réunion Fulchiron décidait en outre que « chaque député devrait se mettre en rapport avec les représentants légaux de l’industrie et du commerce dans sa localité, afin de leur offrir à Paris un intermédiaire et un organe pour toutes les représentations qu’ils croiraient utile d’adresser au gouvernement ». Cet ordre du jour fut obéi ponctuellement et l’agitation menée bon train par les Chambres de commerce et les Chambres consultatives, qui se réunirent en congrès à Paris, au restaurant Lemardeley. Les représentants du « pays légal » n’étaient pas les représentants du peuple qui travaille, du peuple qui ne peut racheter qu’une faible part des produits de son labeur, mais ceux de la minorité qui possédait les instruments de travail ; et, après avoir prélevé la part du lion comme capitalistes, ils entendaient être, sans concurrence, seuls à revendre aux travailleurs les objets nécessaires à leur subsistance.

« Qu’est-ce qu’un député aujourd’hui ? » demandait alors Pierre Leroux. Et il répondait : « C’est un homme qui fait ses affaires et celles de ses électeurs. Chaque canton électoral est une maison de commerce, dont le député est le commis-voyageur. L’un travaille dans les fers, l’autre dans les vins, l’autre dans les soies ; il en est qui travaillent pour les intérêts maritimes, comme d’autres travaillent contre. Pas un député d’Alsace qui ne veuille l’introduction des bestiaux, un député de Normandie qui ne la refuse, un député des pays vignobles qui ne demande des traités de commerce, un député des pays boisés qui ne les repousse. »

Toussenel, au même moment, observait qu’il y avait, pour les biens de la féodalité capitaliste la même immunité que jadis pour les terres nobles. « Les gentilshommes d’aujourd’hui paient l’impôt foncier, dit-il ; mais la plupart des propriétés de ces gentilshommes, les mines, les houillères, les pâturages, reçoivent de l’État une prime de protection pour leurs produits qui équivaut à l’immunité du sol. Le Trésor leur rend d’une main ce qu’il leur prend de l’autre. »

Et il énumère les fiefs des « hauts barons modernes » : Les forges et les mines d’Anzin, de Fourchambault, de Saint-Amand, du Saut-du-Sabot, d’Alais, de la Grand’Combe, de Decauville… les forêts de M. le comte Roy et de M. le marquis d’Aligre, les raffineries de MM. Perier, Delessert, les pâturages à élèves de M. le maréchal Bugeaud, les fabriques de drap de MM. Grandin et Cunin-Gridaine, tous des députés, quelques-uns hauts fonctionnaires par surcroît.

C’est leur protectionnisme, dit l’écrivain fouriériste, qui « a empêché que la réunion de la Belgique à la France n’ait eu lieu depuis seize ans, que la France n’ait accédé au Zollverein et réalisé par un traité commercial l’alliance de l’Europe centrale, garantie de la paix universelle ». Ce sont ces hauts