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Maximilien, l’anarchie gouvernementale et les souffrances des troupes. A l’automne de 1865, les fonds mexicains commençaient à baisser à la Bourse de Paris. Dès les premiers jours de 1865, des journalistes comme Saint-Marc Girardin parlèrent nettement d’évacuation.

En fait, Napoléon III qui suivait avec attention tout le déroulement de l’expédition venait de s’y résoudre. Le 22 janvier 1866, il annonçait avec une solennelle impudence sa résolution de rappeler les troupes : « Ainsi que j’en exprimais l’espoir l’année dernière, disait-il, notre expédition touche à son terme. Je m’entends avec l’Empereur Maximilien pour fixer l’époque du rappel de nos troupes ». C’était, en d’autres termes, l’abandon du malheureux archiduc qu’on avait expédié là-bas pour la gloire de la France et du pape et pour le profit des banquiers. C’était surtout la faillite avouée « de la grande pensée du règne ».

Peut-être cependant, en dépit des efforts de l’opposition parlementaire, le prestige de l’Empire n’aurait-il pas été trop ébranlé par le fiasco mexicain, si la question romaine, une fois encore, n’était venue précipiter la crise allemande et troubler profondément toute la vie française. Les premiers revers de la fortune avertissaient l’Empereur de mesurer ses forces. Il allait au contraire achever de les compromettre, en suscitant de tous côtés le désordre européen.

Si sommaire que doive être notre exposé, il importe cependant que nous marquions bien l’enchaînement des faits. Les camarades socialistes ont encore trop tendance à négliger les faits extérieurs et à méconnaître leurs répercussions sur la politique gouvernementale. Ils se laissent trop souvent guider par des préjugés traditionnels ou des sentiments héréditaires pour que nous négligions de retracer ici les événements d’où procède la situation présente de l’Europe.

Nous avons raconté plus haut (p. 140) comment, au lendemain d’Aspro-monte et à la veille des élections de 1863, l’Empereur était brusquement revenu à une politique favorable au Saint-Siège, comment Drouin de Lhuys, le ministre ami de l’Impératrice et du pape, avait succédé à Thouvenel. Pour la protection de la papauté, l’Empereur était prêt, en ce temps-là, à une seconde expédition de Rome. C’en était assez pour que l’Italie oubliât les bienfaits de 1859 ; et les patriotes unitaires s’étaient pris à haïr la France au moins à l’égal de l’Autriche.

Or cette haine était insupportable à l’Empereur et le versatile souverain ne devait point tarder encore à changer de politique. S’il ne pouvait satisfaire l’Italie, sur le sujet de Rome, ne pourrait-il au moins lui donner satisfaction sur un autre point ? Ne pourrait-il, par cette compensation, lui faire oublier Rome ? Il s’en flattait, et son esprit se rassurait à cette idée. L’alliance italienne devenait d’ailleurs pour lui une nécessite : la Russie s’était tournée contre la France depuis l’affaire de Pologne ; il savait qu’il