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germanique. Au même temps, le représentant prussien à Paris invitait presque brutalement M. de Moustier à rompre le traité d’achat du Luxembourg. La Prusse poussée par les patriotes, exigeait une nouvelle capitulation diplomatique.

On a cru que l’intervention des libéraux avait été commandée par Bismarck, et que Bennigsen avait interpellé sur son ordre. En fait, il fut débordé lui-même par le nationalisme allemand. Le Luxembourg semblait à tous terre allemande : et beaucoup déjà redoutaient les ambitions françaises. Il n’est point jusqu’à notre camarade Bebel qui alors ne reprochât à Bismarck l’abandon d’une ville fédérale. Tant il est vrai qu’à l’origine de tous les mouvements démocratiques européens, le sentiment de la nationalité s’est toujours trouvé étroitement et confusément mêlé aux aspirations démocratiques. Ce fut Bismarck lui-même au contraire qui, contre les chauvins d’outre-Rhin, contre les militaires, comme de Moltke, bien avertis d’ailleurs de la faiblesse de l’armée française à ce moment-là, empêcha la guerre d’éclater. « Vous n’avez jamais vu un champ de bataille » disait le ministre à ceux qui lui reprochaient de ne point renouveler immédiatement la lutte de Sadowa. Surtout il savait qu’alors l’Allemagne du Sud n’était pas prête militairement, et il ne voulait marcher qu’avec elle, pour la grande unité allemande.

Il exigea donc, pour satisfaire l’opinion allemande, la renonciation de Napoléon III à la possession rêvée du Luxembourg, mais il renonça de son côté à faire valoir les droits allemands sur le Limbourg. Le 7 mai 1807, une conférence des puissances à Londres régla la question : la France laissait au roi de Hollande le Luxembourg toujours rattaché au Zollverein allemand, mais la Prusse évacuait la forteresse de Luxembourg, déclarée neutre et démantelée. Il est indéniable qu’à ce moment-là, M. de Moustier et ses collaborateurs ne manœuvrèrent point maladroitement et surent se tirer sans déshonneur du mauvais pas.

L’accord se trouva donc rétabli entre les deux cours de Berlin et de Paris : Guillaume Ier vint au début de juin assister aux fêtes de l’Exposition universelle. Il assistait avec Bismarck et de Moltke, à la grande revue du 6 juin ; et son ministre allait applaudir la Grande Duchesse de Gerolstein.

C’était le temps des fêtes et des magnificences. Pendant deux mois, à recevoir des souverains ou des viveurs de tous pays, au milieu des fêtes et des feux d’artifices, les Français oublièrent… leurs préoccupations extérieures et les humiliations récentes dont ils ne connaissaient d’ailleurs qu’une partie.

Mais la fête hélas ! fut de peu de durée : la série noire allait continuer. Dans la nuit du 29 au 30 juin, une dépêche annonçait que L’Empereur Maximilien avait été fusillé à Queretaro. En février 1866, le malheureux Empereur du Mexique avait appris que Napoléon III était décidé à retirer ses troupes et l’abandonnait : c’était, il le savait, son arrêt de mort. Sa femme,