Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/301

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devait affranchir la presse de l’arbitraire administratif, l’autre devait rendre partiellement au moins le droit de réunion publique.

Était-ce la chute de Rouher ? Était-ce le triomphe d’Ollivier ? Ç’avait été la principale préoccupation des Chambres pendant les six premiers mois de 1867. Elles purent s’apercevoir bientôt que le décret du 19 janvier ne contenait pour les libéraux que d’apparentes satisfactions et surtout que l’Empereur n’était point disposé à s’aider d’un personnel nouveau qui l’eût aidé à tirer, comme on disait, les conséquences du décret. Pour interpeller, en effet, il fallait que toute demande fût signée de cinq membres au moins et adoptée par quatre bureaux, ce qui permettait à la majorité de repousser toute demande désagréable au gouvernement. De même, la responsabilité ministérielle, que certains se flattaient de trouver en germe dans la présence des ministres devant les Chambres, n’était qu’une illusion : la lettre du 10 janvier spécifiait bien que les ministres ne dépendaient que du souverain, et qu’ils n’étaient que ses porte-paroles. Enfin Rouher, soutenu d’ailleurs par la majorité, sournoisement hostile à Ollivier, continuait de l’emporter dans les conseils du souverain. Tandis qu’il laissait, rue de l’Arcade, se former sous ses auspices un cercle nombreux de députés réactionnaires, hostiles à toute concession libérale, ce personnage sans vergogne se flattait devant la Chambre d’avoir inspiré à l’Empereur le décret du 19 janvier. Mais il développait d’une manière inattendue la politique libérale qu’il y disait incluse. Le 12 mars, le Sénat obtenait le droit d’examiner au fond toutes les lois et non plus seulement de les déclarer conformes ou non à la Constitution. Bientôt Walewski, le protecteur d’Ollivier, était contraint de renoncer à la présidence du Corps législatif. Les projets de loi promis étaient ajournés on ne savait à quand. Ollivier, battu et mécontent, prenait furieusement à partie « le vice-Empereur » dans un discours des plus virulents. Le lendemain l’Empereur envoyait à Rouher la plaque en diamants de grand-croix de la Légion d’honneur pour le dédommager des « injustes attaques dont il avait été l’objet. » (12 juillet 1867).

Ce qui éclatait ainsi aux yeux des moins prévenus, c’était l’impuissance de l’opposition parlementaire à pousser rapidement le gouvernement dans la voie libérale. Les ouvriers de Paris et des grandes villes qui, en 1863, tenaient surtout à envoyer au Corps législatif « des bougres capables d’engueuler l’Empire » devaient plutôt se trouver déçus. On allait bien répétant les apostrophes véhémentes de Jules Favre ou les mots rudes d’Ernest Picard. On se réjouissait de l’embarras gouvernemental après les discours de Thiers. Mais il est certain que le peuple républicain de Paris ne devait pas être pleinement satisfait de ses représentants. Entre Ollivier, regardé comme un traître par les républicains parlementaires et Thiers ou même Jules Favre. les nuances n’étaient point très distinctes ; et les plus décidés adversaires d’Ollivier, comme Pessard, se l’avouaient a eux-mêmes plus tard (Mes petits papiers, p. 122). Le rétablissement du parlementarisme les