coopérateur et un syndiqué, et Malon le trouvait tiède. Mais il avait vécu l’évolution intellectuelle de l’Internationale ; il avait pou à peu compris dans quel effort plus vaste l’action coopérative et l’action de résistance devaient rentrer, et il était devenu tout à fait « collectiviste ».
Tels furent les hommes qui, dans ces mois fiévreux de la fin de l’Empire, cherchèrent à réaliser, au milieu même du mouvement révolutionnaire, l’entière réforme sociale. Tandis que se succédaient ces événements tumultueux, — élections de mai 69, agitation en vue du 20 octobre, élections complémentaires de novembre, assassinat et enterrement de Victor Noir, grève du Creusot, plébiscite — qui passionnaient l’opinion et parfois soulevaient les foules, tour à tour prudents et hardis, attentifs et soucieux d’information, ils cherchaient par quels moyens, par quelle action quotidienne et persévérante ils hâteraient « le renversement radical de l’état de choses présent, et l’application immédiate, s’il était possible, des théories communistes » (Lettre de Malon à Richard, 28 mars 1869). En ces heures de frémissement et de fièvre, c’est ce petit groupe qui représente dans sa pureté la vraie préoccupation socialiste. C’est lui qui tente de donner au mouvement qui rayonne des grandes villes la cohésion, l’unité qui l’empêcheront de dévier vers la démagogie ou de s’attarder dans des enthousiasmes purement politiques. Puisqu’il nous est difficile encore, en quelques pages, de retracer par le détail la masse des événements ou des manifestations de toutes sortes qui encombrent ces dix-huit mois, qu’on nous permette simplement de les revivre aux côtés de ces militants, avec eux, par eux. Les pièces saisies et publiées lors du 3e Procès de l’Internationale (Troisième procès de l’Internationale, Paris, 1870 ; les documents réunis par James Guillaume (L’Internationale, Tome I), enfin et surtout l’abondante correspondance que notre camarade Albert Richard a bien voulu mettre à notre disposition nous ont rendu possible de comprendre ainsi, du point de vue même de nos idées et de nos préoccupations les derniers moments du second Empire.
Au moment où ils recommençaient leur propagande, en cette fin de 1868, les militants de l’Internationale se trouvaient en présence d’une situation nouvelle. L’ancienne conception d’un groupement ouvrier isolé, et fermé, composé d’adhérents réguliers, tel qu’avait rêvé d’être le premier groupe parisien, était périmée. Pour orienter la foule révolutionnaire, il fallait user d’autres méthodes.
Les réunions publiques, depuis juin, restaient toujours en vogue. Le peuple ne se lassait point de ce plaisir nouveau : parler, discuter, penser. Les militants de l’Internationale comprirent que c’était là qu’ils devaient d’abord porter leur effort. Ils se multiplièrent. « A peine revenus du Congrès de Bruxelles, écrit Malon, ils proclamaient l’avenir du socialisme dans les réunions publiques, et développaient ses principes fondamentaux. Le communisme, qu’on croyait enterré sous les pavés de juin, reparut plus formidable, et déclara ouvertement que l’avenir lui appartenait ». Le 27 novembre,