Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/404

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espérances des « Arcadiens » pour user à son tour de tous les moyens traditionnels chers aux ministres de l’Empereur. Il avait déjà recommandé à tous les agents du pouvoir « une activité dévorante ». Vers la fin de la période, il convia aux rigueurs les procureurs généraux. « Il est temps, écrivait-il, qu’on sente la main du gouvernement » ; et comme il tenait à rester d’apparence au moins « le » ministre libéral, il les invitait encore à respecter la liberté, mais en ajoutant aussitôt que « la provocation à l’assassinat et à la guerre civile, c’est le contraire de la liberté ».

C’était ainsi contre les socialistes que M. E. Ollivier allait surtout tourner ses coups. Ils devenaient en effet de plus en plus inquiétants, par leur propagande, par leur organisation, par leurs actes.

Depuis l’assemblée de Lyon, en effet, pendant toute la durée de mars et d’avril, l’Internationale n’avait point ralenti son activité.

Le 23 mars, une nouvelle grève avait éclaté au Creusot, causée cette fois par une réduction des tarifs, que l’administration avait décidée sans seulement prévenir. Assi et les Internationaux avaient depuis janvier poussé leur propagande : il se peut que la direction ait voulu en finir, par une bataille décisive.

Une fois encore, toutes les sociétés ouvrières se passionnèrent pour cette lutte ; la section parisienne, puis les différentes Fédérations ou sections publièrent des appels. Malon se rendit au Creusot comme correspondant de la Marseillaise, et comme l’écrivait Varlin, dans les « circonstances actuelles le voyage ne pouvait que profiter à l’Internationale. » (Troisième procès, p. 57).

Au bout de quelques semaines, les violences gouvernementales et judiciaires eurent raison des ouvriers. Un certain nombre d’entre eux furent condamnés à Autun pour faits de grève, au début d’avril. Le 1er mai, Assi lui-même fut arrêté. C’était la fin de la lutte.

Mais si dure qu’elle eût été, et quelqu’effort qu’elle eût réclamé, elle n’avait pas absorbé toutes les énergies de l’Internationale. Partout le travail était intense. A Lyon, à la fin de mars, on comptait 27 corps de métier affiliés à la Fédération locale ; et le 10 avril, la section stéphanoise se rattachait également à elle. A Rouen, la section, grâce aux efforts d’Aubry, publiait un journal, La Réforme sociale, et prenait l’initiative de l’organisation pour le 15 mai d’un véritable Congrès national. A Marseille, il y avait en mars 27 sociétés adhérentes à la Fédération, et celle-ci devenait assez puissante pour que la police englobât Bastelica dans une affaire de complot. A Brest, Ledoré, un ami de Pindy, fondait une section. Après une grande réunion, au début d’avril, Varlin fondait une section à Lille, et la mettait immédiatement en relation avec les Rouennais.

Malon, de son côté, ne perdait point son temps, autour du Creusot. « Combien faudra-t-il avoir fondé de sections en province, pour mériter une