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mesure pour imprimer l’élan napoléonien à ses troupes ». Quelques traits achèveront de marquer ce, qu’était le nouveau régime : un républicain fut condamné à six mois de prison pour avoir colporté un porte-monnaie sur lequel se trouvaient les portraits de Kossuth et de Ledru-Rollin. D’autres furent inquiétés pour avoir commandé à un ouvrier des verres de table sur lesquels on devait graver l’effigie de la République, coiffée d’un bonnet phrygien ; un autre enfin, pour s’être montré avec une cravate rouge. Il va sans dire que, suivant les traditions établies dès avant le coup d’État, les sociétés ouvrières, sociétés coopératives, sociétés de résistance, sociétés de secours mutuels, furent constamment surveillées et souvent poursuivies ou dissoutes, comme des foyers de républicanisme.

Cependant que les opposants actifs étaient ainsi matés, Louis-Napoléon tentait d’assurer et de développer son système de gouvernement.

Par le plébiscite du 21 Décembre, 7.439.216 oui contre 640.737 non et 36.880 bulletins nuls avaient approuvé le coup d’État. Les listes électorales de 1849 qui avaient été prises comme base pour l’inscription, portant 9.618.057 électeurs, il y avait donc eu, en dépit de toute la pression exercée, environ 1.500.000 abstentions. A Paris, il y avait eu 216.693 votants : 132.081 oui, 80.091 non, 3.021 bulletins nuls. Il y avait eu 75.102 abstentions : le nombre des oui était demeuré inférieur à la moitié du nombre des électeurs inscrits.

Le 31 Décembre, M. Baroche vint solennellement remettre au président un extrait du registre de la Commission consultative chargée du recensement des votes. Il proclama la confiance de la France « dans le courage et la haute raison » du prince qui lui « avait demandé » un pouvoir fort. Et il l’invita à réaliser sa noble pensée : « Une liberté sage et bien réglée, une autorité forte et respectée de tous ».

Et Louis-Napoléon reprit :

« La France a répondu à l’appel loyal que je lui avais fait. Elle a compris que je n’étais sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit. Plus de sept millions de suffrages viennent de m’absoudre, en justifiant un acte qui n’avait d’autre but que d’épargner à la France et à l’Europe peut-être des années de troubles et de malheurs… » Et plus loin : « J’espère assurer les destinées de la France en fondant des institutions qui répondent à la fois et aux instincts démocratiques de la nation et à ce désir, exprimé universellement, d’avoir désormais un pouvoir fort et respectée. »

Sur ces bases, le 14 Janvier 1852, une Constitution fut donnée à la France. Elle était inspirée, comme l’avait annoncé la proclamation du 2 Décembre, « du système créé par le premier consul », de ce système qui « avait déjà donné à la France le repos et la prospérité ». Le Président, élu pour dix ans, avait tout le pouvoir exécutif. Il était assisté de trois corps : un Conseil d’État, nommé par lui et qui préparait les lois, un Corps législatif élu au