Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/36

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Aussi tout l’élément clérical participait-il avec entrain au mouvement destiné à renverser la République et à restaurer la monarchie traditionnelle. Archevêques et évêques marchaient à la tête de cette armée aux manœuvres tour à tour sournoises ou audacieuses, suivant les circonstances. Ils avaient entonné le Te Deum pour célébrer l’écrasement de la Révolution républicaine, socialiste et libre penseuse ; au risque des plus graves, des plus dangereuses complications, ils allaient tenter de restaurer le pouvoir temporel du pape. C’est ce que visait la pétition des évêques qui, le 22 juillet 1871, amorçait une retentissante et orageuse discussion.

Plusieurs pétitions organisées par les évêques de Vannes, de Versailles, de Saint-Brieuc, de Rouen, de Quimper, de Rennes, de Bourges, avaient été déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale. Ces pétitions demandaient instamment à l’Assemblée d’exercer une énergique pression sur le gouvernement pour qu’il proposât aux puissances de se concerter, en vue de rendre au pape une situation qui lui restituât et lui garantît l’indépendance nécessaire à la direction de l’Église catholique. Les protagonistes de ces pétitions étaient tellement aveuglés par la passion cléricale et monarchiste qu’ils ne comprenaient pas que les puissances étrangères n’avaient aucun intérêt — au contraire — à tenter l’annulation des événements du 20 septembre et la renonciation de l’Italie, désormais unifiée, à Rome dont elle venait de faire sa capitale, les armes à la main, et que, si le gouvernement de M. Thiers cédait aux injonctions de la majorité conservatrice, conduite par les prélats et les hobereaux, également fanatiques, il s’exposerait et exposerait la France au ridicule ou à quelque désastreuse aventure.

Ce fut un clérical ardent, M. Pajot, qui rapporta les pétitions. Son discours leur donna leur véritable caractère ; à le relire trente-six années après, on se demande comment le suffrage universel, même après la profonde perturbation qui venait de se produire, avait pu confier les destinées du pays à des cerveaux gravement atteints.

Voici un des passages essentiels de ce monument d’aberration oratoire : « Elle (la France) ne saurait oublier que la République n’a pas fait défaut, en 1848, à la tradition française. Nous ne pouvons nous résoudre à l’examen d’une cause juste et sainte. L’honneur et la dignité de la France, lui commandent, malgré ses malheurs, d’intervenir en faveur du Saint-Père et cela par respect pour la liberté de conscience et la foi des traités.

« Nous ne saurions faire appel aux armes ( ?!!) dans la situation où nous sommes ; mais nous pouvons faire un appel à l’Europe entière pour un intérêt universel. C’est à notre diplomatie qu’il faut confier la question, puisque nous ne pouvons faire autrement : mais, selon notre droit, nous réservons l’avenir. »

Et M Pajot, fort habilement, en manière de conclusion, réclamait que les pétitions fussent renvoyées au ministre des affaires étrangères, demandant à