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Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/57

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nistration et des intérêts locaux ». Puis, il demandait aux républicains peu nombreux non soumis au renouvellement, aux candidats qui affrontaient la lutte, de s’imposer dans le coin du pays par leur travail et leurs capacités : « Donnez, écrivait-il, dans les Conseils généraux, l’exemple du travail ; démontrez votre compétence dans le maniement des affaires publiques, répandez vos idées, vos principes et le pays saura bien vous appeler à les mettre en pratique ».

Cette tactique, qui était peut-être excessive, décelait l’homme masqué sous des apparences fougueuses, sous un langage véhément, qui allait, avant peu, modérer son programme, s’orienter vers le centre du parti républicain et déterminer une crise, puis une rupture, avec manifestations parfois violentes, avec l’extrême-gauche, dont momentanément il était le chef incontesté. Malgré ses conseils de prudence, sur un grand nombre de points, sollicités, provoqués par l’attitude insolente des comités de droite, les républicains, ceux de la veille bien entendu, ne purent s’empêcher de parler nettement à leurs électeurs.

Les résultats furent favorables aux républicains de toutes les nuances, presque partout coalisés du reste, les modérés restant les plus favorisés, ainsi qu’il fallait s’y attendre — un tiers des élus seulement appartenait à la réaction, à la fraction orléaniste plus particulièrement, car, légitimistes et bonapartistes éprouvèrent de nombreux et retentissants échecs. Quoique moins caractéristique en apparence, c’était une nouvelle et importante victoire républicaine ; elle démontrait que le pays rural, peu à peu, revenait de son erreur de février, se ralliait à la République. On ne compta même pas comme une revanche de la droite l’élection des présidents des Conseils généraux, pour un tiers seulement renouvelés ; sur 86, 12 seulement étaient radicaux, 18 républicains et 56 conservateurs.

Le renouvellement des Conseils généraux, la victoire républicaine qui venait de le souligner, loin d’apaiser les polémiques ne pouvait que les alimenter. La bataille contre la réaction s’intensifiait sans cesse ; toutefois il y eut parfait accord dans les rangs républicains ; il n’en pouvait être autrement, du reste. La majeure partie des hommes qui le représentaient étaient ou des ralliés ou des républicains fort modérés, soucieux de conservation sociale avec une forme de gouvernement moins dangereuse pour le pays et pour les intérêts économiques de leur classe qu’un empire ou une monarchie, conservant quand même presque tout l’ensemble des vieilles institutions et lois. Une faible minorité envisageait une République plus républicaine, comportant des réformes assez caractérisées en matière politique, financière, économique, ouvrière, sans toutefois aborder le problème social. M. Gambetta, qui provisoirement orientait, dirigeait cette fraction la plus avancée devait, quelques années plus tard, résumer, en un de ces mots types qu’il excellait à trouver, toute sa pensée : « Il n’y a pas de question sociale, il n’y a que des problèmes sociaux ».