Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/111

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les remparts naturels du Tyrol pour aller dans la plaine italienne tenter de délivrer par l'offensive Mantoue assiégée :

Ce sera donc toujours, s'écrie-t-il, la même erreur, la même faute grossière contre la saine raison ! Comme si l'attaque donnait plus d'espoir de vaincre que la défense ! Deux fois, dans cette campagne, l'armée autrichienne, battue, s'est réfugiée dans le Tyrol : ces deux fois elle a trouvé un refuge dans ses montagnes et ses gorges, car les Français qui, dans la plaine, n'avaient pas cessé de la battre, se sont arrêtés les deux fois, comme médusés, au pied des Alpes du Tyrol ; les Autrichiens ont assisté à ce spectacle, mais ils ne s'en sont pas étonnés, l'ont trouvé très naturel ; ils l'ont regardé comme dans un songe, sans se rendre compte de pourquoi, sans se demander ce qu'il y avait là-dessous Si une armée battue, en fuite, trouvait protection dans les montagnes, a fortiori une armée constituée, renforcée, et toutes choses égaies d'ailleurs, n'y sera pas attaquée.

Clausewitz (campagne de 1813 et campagne de 1814) insiste sur ce qu'a eu d'essentiellement défensif la grande guerre menée en Allemagne, en 1813, par les alliés et qui aboutit pour l'empereur au désastre de Leipzig. Il ne s'agit pas d'une défensive morne, résignée et pour ainsi dire définitive, mais d'une défensive ardente, toute prête à se tourner en offensive. Si je dégage bien de ces complications la pensée de Clausewitz, ce qui donne un caractère défensif à l'action des alliés dans la guerre de 1813 en Allemagne, c'est d'abord que toutes les forces morales du peuple sont mises en jeu ; c'est que la haine contre l'envahisseur, contre l'oppresseur, s'est lentement accumulée dans toutes les âmes et qu'elle est prête à déborder ; c'est que, dès longtemps, depuis Iéna, cette idée de défendre à outrance le territoire prenait corps dans l'institution militaire ; c'est qu'il n'avait pas suffi à la Prusse de se constituer, par d'ingénieux artifices, une armée active rapidement mobilisable, qui pouvait en quelques mois, du chiffre de 40 000 hommes toléré par Napoléon, être portée au chiffre de 120 000 à 150 000 hommes, mais qu'elle avait « complété son organisation militaire en y joignant l'idée de défendre