Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/121

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matérielle n’est qu’amoindrie, et il se peut que sa force morale reste à peu près entière. Mais l’enveloppement est le moyen décisif de lui infliger un désastre, désastre matériel par l’écrasement d’une grande partie de ses forces, et désastre moral par l’effet d’accablement que produit toujours le succès d’une manœuvre hardie. Dans les coups de force ainsi combinés, il y a comme la présence d’un esprit terrible, d’une âme d’audace et de victoire qui propage au loin, dans l’ensemble du peuple d’abord vaincu et bien au delà même de l’étendue réelle des pertes subies, la sensation de l’irréparable et de l’irrévocable. Le colonel Maillard a bien marqué dans l’introduction à ses Éléments de la guerre que les Allemands dans leur brusque irruption, ajouteraient à leur effet de masse un effet de manœuvre.

On a avancé que les Allemands réuniraient la totalité de leurs armées en une seule masse avec laquelle ils chercheraient à frapper un coup de force… Mais ils n’assouplissent pas leurs grandes unités pour laisser sans utilisation leur aptitude au mouvement et à la manœuvre ; ils ne développent pas l’instruction, l’intelligence et l’initiative des chefs pour annuler ensuite toutes ces forces qui seraient no)rées dans une masse unique.

Cette manœuvre, tous les théoriciens militaires allemands, de von der Goltz à Bernhardi, la précisent :

Dans le cas de deux concentrations réciproques à peu près identiques, dit Bernhardi, il s’agit avant tout de chercher la direction de l’attaque de façon à se diriger contre une aile de l’adversaire et à couper en même temps sa communication parce que, à forces égales, la défensive ne peut plus être forcée de front. Gagner l’aile de l’adversaire pour le bousculer en partant de cette aile, voilà la manœuvre la plus efficace.

Et le grand état-major, résumant les faits exposés par lui dans le troisième volume, concluait :

Des exemples donnés prouvent d’une manière évidente qu’une attaque dirigée contre le flanc avec menace sur les derrières procure les plus grands succès. Il est vrai qu’on ne réussit pas toujours à obtenir l’action débordante qu’on espère, mais un véritable homme de guerre s’efforcera toujours de réaliser l’en-