Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/122

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veloppement. L’étendue du front des armées modernes et la difficulté de leurs mouvements peuvent conduire à un engagement exclusivement de front et sans résultat décisif. Il y a là un véritable danger et, seule, une conception saine de la guerre peut en garantir. Clausewitz nous la donne.

Ce sont là les paroles mêmes de l’état-major allemand, et notre Revue Militaire en résume la doctrine par ces mots :

Réunir des forces en temps utile de manière qu’elles puissent toutes attaquer l’ennemi autant que possible sur un flanc avec la volonté d’anéantir l’adversaire d’un seul coup, telle est l’interprétation virile et juste donnée par le grand état-major aux faits et aux paroles de Clausewitz et de de Moltke.

Cette doctrine est évidemment confirmée dans l’esprit des Allemands par le souvenir de cette guerre de France où, par l’offensive résolue, ils eurent raison tout d’abord d’un adversaire incertain. Quelques-uns de nos théoriciens militaires ajoutent que l’Allemagne ne tient pas à laisser pénétrer les soldats français dans le territoire annexé par peur d’un soulèvement des Lorrains et des Alsaciens. C’est possible ; et elle se serait interdit à elle-même, par la brutalité de la conquête, jusqu’à la possibilité de la défensive, elle se serait condamnée contre la France à l’offensive constante. C’est sans doute une des raisons. Ce n’est pas la raison déterminante. En tout cas, sur les intentions de l’état-major allemand, aucun doute n’est possible. Il n’aurait pas poussé audacieusement les quais de débarquement aussi près de la frontière française, s’il n’avait pas eu la volonté de devancer l’adversaire, car il aurait mis à la merci des Français la concentration allemande. Presque tous sont à moins de 50 kilomètres de la frontière. Il y en a à 80 en Lorraine, dont la moitié a une longueur supérieure à 500 mètres. En Alsace, il y en a une trentaine, dont un tiers a une longueur supérieure à 500 mètres. Il est inutile de spéculer ici sur la répartition probable des armées allemandes. Ce qui est certain, c’est que c’est par les