Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/125

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son dessein politique et social. Cette méthode, le pays doit la connaître ; car il faut qu’il y soit préparé. Selon que la France aura choisi, pour son salut, l’offensive à la prussienne ou la défensive nationale telle que le commandant Rossel la définissait tout à l’heure, telle que je l’avais décrite plus haut d’après certaines vues de Clausewitz, tout est changé dans l’organisation militaire, dans la mobilisation, dans la concentration. L’offensive ne pouvant avoir théoriquement quelque chance de succès que si elle est rapide et si elle procède presque par surprise, ce n’est pas toute la nation armée qu’il convient alors de porter comme une masse à la frontière : ce serait trop pesant et trop lent. Il y faut jeter une sorte d’armée d’avant-garde. L’idéal serait peut-être en cette hypothèse de tenter l’attaque et la surprise aussitôt que la France aurait mobilisé et concentré à sa frontière un nombre d’hommes suffisant pour dominer les deux corps d’armée accumulés par l’Allemagne en Alsace-Lorraine et pour troubler la concentration allemande. Nos écrivains militaires, comme le général Langlois, prévoient la possibilité d’une soudaine agression des forces allemandes de couverture, n’attendant même pas d’être complétées à l’effectif de guerre. Je n’ai pas à discuter ici cette hypothèse ; je dis seulement quelle est le terme logique et la conséquence certaine de l’idée d’offensive. C’est du coup que les réserves ne jouent qu’un rôle de troisième plan, puisque même un partie de l’active est reléguée à un rôle de second plan. C’est dire que le centre de gravité de la défense nationale n’est plus dans la nation elle-même ; il est porté, pour ainsi dire, à la pointe, à l’extrême avant-garde d’une armée restreinte qui, par une suite inévitable, deviendra bientôt une armée permanente de frontière. Ainsi l’hypothèse de l’offensive retentit jusqu’au fond même de l’organisation militaire ; elle tend à façonner selon sa loi toute l’institution de l’armée. Elle agit sur la mobilisation, puisqu’elle institue une sorte de mobilisation par échelons ; sur la concentration, puisqu’elle exige que la ligne de rassemblement des forces