Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/130

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l’offensive, sans prendre garde qu’elle sera la contre-partie misérable, la réplique nécessairement inférieure de l’offensive allemande et que c’est ailleurs, dans la concentration totale de la nation armée, que sera la ressource géniale, la victorieuse originalité de la France. En parlant d’offensive, ils se croient audacieux ; ils ne sont que timides, et leur pensée routinière est à la discrétion des pensées et des mouvements de l’adversaire au moment où elle croit s’en affranchir. Pour cette ombre vaine d’une fausse offensive qui ne serait qu’un plagiat impuissant et funeste, ils négligent d’organiser vraiment la défense de la France, par la mise en œuvre simultanée et totale de ses forces. Le général Langlois écrit qu’il serait très mauvais pour l’armée française d’être obligée de livrer ses premières grandes batailles à l’ouest des grandes places fortes, des grands camps retranchés qui gardent la frontière. Pourquoi donc ? Si ces places étaient solidement gardées par tout le peuple valide et militairement éduqué de la région, capable à l’heure propice d’une action vigoureuse, quel péril y aurait-il pour la France à livrer les premières grandes batailles en arrière de ces places ? L’ennemi serait obligé, pour les masquer, d’immobiliser une partie de ses forces offensives de premier choc ; et le prélèvement sur son effectif d’invasion serait beaucoup plus lourd pour lui que ne le serait pour la France le prélèvement des garnisons défendant les grandes places, puisque les forces actives de la France seraient dans. l’hypothèse de la défensive égales à toute la nation. Il serait dangereux, au contraire, et énervant pour l’envahisseur, d’avoir dans le dos de puissantes forteresses au moment où il aurait devant lui toute la France en armes, qui n’aurait replié sa ligne de concentration que pour ramasser son effort et le détendre soudain en une prodigieuse offensive. La vérité est que l’état-major n’a pas renoncé à l’idée des batailles d’extrême frontière parce que, tout en présentant en apparence un caractère défensif, elles peuvent être interprétées comme un commencement, comme un premier essai d’offensive : d’où une