Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/132

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et qu’il y a peu d’inconvénient à en sacrifier momentanément une certaine étendue pour frapper sur d’autres points des^ coups décisifs. A ce prix seulement, nous appliquerons avec l’énergie brutale qu’il réclame, ce principe tout-puissant et toujours méconnu de l’union absolue des forces.

Qu’est-ce à dire ? C’est que si la France pouvait disposer pour sa défense de deux millions d’hommes vraiment en état de marcher à la bataille, si elle pouvait compter par exemple sur tous les citoyens de vingt ans à trente-cinq ans, fortement éduqués et encadrés dans le temps de paix, elle devrait attendre, pour livrer le combat à fond, d’avoir concentré ces deux millions d’hommes, et elle devrait choisir la zone de rassemblement de telle sorte que cette concentration préalable fût possible. Gilbert semble prévoir ces mobilisation et concentration formidables, mais c’est pour ramener à un rôle subalterne la plus grande part des éléments ainsi mobilisés et concentrés. Ecrivant en août 1887, avant que l’Allemagne eût prononcé son système dans le sens d’une armée de premier choc dégagée des réserves, il disait :

Ce n’est un mystère pour personne que des deux côtés des Vosges on se prépare à amener dès le début de la guerre, sur le théâtre des opérations, ces troupes (du premier ban territorial) primitivement destinées à la défensive passive ; mais leur véritable rôle, le concours qu’elles doivent prêter à l’armée active, demeure encore l’objet des conjectures et des théories les plus variées. Tout récemment, un de nos organes les plus autorisés, dans une remarquable série d’études sur l’armée allemande, nous présentait comme un fait acquis la constitution du corps d’armée allemand à trois divisions, dont une de landwehr. L’adjonction de cette division, la formation de régiments à 4 et 5 bataillons obtenus en utilisant les excédents de réservistes, porteraient le corps d’armée de son type classique de 25 bataillons à l’effectif de 50 ou 60 bataillons. Chez nous, la presse a parlé à mots couverts de corps d’armée bis, improvisés de toutes pièces en amalgamant des quatrièmes bataillons et des bataillons territoriaux, en encadrant vaille que vaille ces régiments de marche ; en empruntant enfin à la deuxième section de l’état-major général les éléments pareillement disparates des états-majors. On ne se tient plus pour satisfait des vingt corps d’armée qu’alignait l’armée