Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/134

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faite à Plewna et les théories qui en découlent sur les fortifications de campagne, d’après la nécessité enfin que nous accusions plus haut d’assurer l’indépendance du mouvement à l’armée opérative.

Avec des outils et un matériel léger pour les blindages, pour les défenses accessoires, trois ou quatre jours suffisent aujourd’hui à des troupes de consistance médiocre pour s’asseoir très solidement sur une position bien choisie. Deux à trois semaines de travaux transforment cette position en un camp retranché inexpugnable. De telles positions, d’un grand front, occupées par des troupes nombreuses et bien approvisionnées de munitions, présentant une succession d’ouvrages sans relief, sont peut-être destinées dans l’avenir, et devant les menaces de la mélinite, à se substituer à nos places fortes permanentes. Telle est du moins la théorie d’un écrivain très en faveur outre-Rhin. Sans prendre parti dans ce débat d’ingénieurs, nous retiendrons des théories de Scheibert une conception ingénieuse, celle des dépôts mobiles de fortifications, installés dès le temps de paix aux nœuds principaux des voies ferrées. Avec de semblables dépôts, amenés à pied d’œuvre, les troupes territoriales feront surgir de terre des Camps retranchés, mobiles eux-mêmes, établis suivant les besoins du moment et en cela bien supérieurs aux places fortes comme points d’opérations.

En cas de revers, des régions entières, telles que le Morvan ou le triangle stratégique Montereau-Moret-Fontainebleau, peuvent être ainsi préparées pour recueillir les armées battues et remplacer cette seconde ligne de défense que nous avons renoncé à constituer de façon permanente.

Dans l’offensive, par contre, les divisions territoriales occuperaient en échelons, en arrière des flancs et sur les derrières de l’armée en marche, des positions successives qu’elles retrancheraient avec Soin. Elles assureraient ainsi à l’armée sa ligne de retraite et Une entière liberté d’allures ; elles préviendraient son morcellement sur la ligne d’étapes et lui fourniraient une série de points d’appui en se déployant avec elle. L’armée active ou opérative, ce marteau dont parle Clausewitz, demeurerait le véritable, l’unique instrument offensif. A elle de frapper sans relâche des coups répétés et décisifs, d’appliquer en un mot cette troisième loi de l’offensive : agir avec continuité et sans arrêt.

Je ne m’arrêterai pas à marquer l’étonnante confusion des vues de Gilbert sur la nature des forces combattantes. Deux idées opposées se disputent cet esprit éminent. Tantôt il redoute l’emploi des multiples armées qui lui parais-