Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/24

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posés par eux ou des faits par eux notés ; il manque presque à tous cette décision d'esprit qui va jusqu'au bout d'une idée. Ils marchaient d'un pas résolu, et soudain ils tournent court, comme s'ils étaient devant un abîme : et c'est pourtant le chemin de leur pensée qui continue. Le plus grand service peut-être que la pensée socialiste puisse leur rendre, c'est de les mettre en face d'un système cohérent et complet, qui oblige l'esprit à une démarche délibérée et à une résolution totale.

De même, quoique notre collègue M. Messimy, en deux rapports successifs vraiment remarquables, ait tenté une sorte de philosophie de la loi de deux ans, il me semble que faute d'une vue générale assez étendue, il en a forcé le sens et la portée. Il lui donne une valeur « révolutionnaire » qu'elle n'a pas. Non : elle n'est pas un révolution. Non, elle ne crée pas et ne prépare même pas, par sa vertu propre, l'ordre militaire nouveau qui seul convient à une démocratie politique s'efforçant en démocratie sociale. Elle n'est pas l'ouverture d'une ère nouvelle, mais la clôture de l'ère ancienne et c'est là d'ailleurs ce qui fait son importance. Elle est le dernier terme d'une série équivoque. Elle est la dernière combinaison possible de l'armée de métier et de caste et de la nation armée, le dernier produit d'un lignée de bâtardise. Au delà, il n'y a plus que la forme authentique et vraie de l'armée nationale.