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Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/354

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l’instinct de violence et de domination qui se développe dans les armées de métier séparées de la nation. Mais ce n’est pas dans une prétention ou une revendication militaire que fut l’origine profonde du mouvement.

De même, dans le drame de la Commune, ce n’est certainement pas l’influence de l’armée qui a jeté M. Thiers et l’Assemblée de Versailles à la lutte contre Paris républicain et ouvrier : l’armée n’était plus qu’une épave. Le commandement, discrédité par la défaite, l’incapacité, la trahison, n’avait pas assez de prestige et d’autorité pour diriger les événements et pour formuler une volonté. L’entreprise ou plutôt la velléité politico-militaire de Bazaine avait sombré dans le déshonneur et dans le désastre. Le vieux parlementaire entêté et étroit qu’était M. Thiers, mais préservé par sa vanité même de toute abdication, entendait rester le maître des généraux, et l’Assemblée de Versailles elle-même n’était pas militariste. Républicains et monarchistes étaient unis dans la haine et la peur du césarisme, et le pouvoir militaire était pour tous, pour les fervents de démocratie et pour les illuminés du droit divin, nettement subordonné au pouvoir civil venu du peuple ou venu de Dieu. Entre ces groupements contraires d’idéalistes, les habiles du parlementarisme orléaniste manœuvraient, et ils comptaient moins, pour arrêter et refouler la démocratie, sur la force immédiate du glaive, que sur les combinaisons constitutionnelles et sur un ingénieux système de freins et de contre-poids.

Le prolétariat socialiste et républicain de Paris a eu devant lui, aux derniers jours de combat, des soldats enivrés et furieux, des généraux fanfarons et implacables. Il a vu tout ce qui bouillonnait de haîne contre lui dans l’âme vaniteuse et atroce de Ducrot, cherchant à rejeter sur « la populace parisienne », qu’il n’avait su, au temps du siège, ni organiser ni conduire, la responsabilité de ses maladresses brouillonnes et de ses vantardises impuissantes. Il a subi ou les cruautés ou les attitudes et les parades d’un général de Galliffet, et c’est sous l’uniforme