du soldat, c’est sous la livrée sanglante du général bourreau que la réaction victorieuse est restée dans son esprit et dans ses yeux. Mais ce n’est pas à l’instigation de l’armée, ce n’est pas pour elle que l’Assemblée nationale a combattu. Elle voulait, en écrasant la démocratie républicaine et ouvrière de la grande ville qui si souvent avait donné le branle à la France, assurer, pour plusieurs générations, contre toute offensive, même légale, de la volonté populaire, la monarchie traditionnelle ou parlementaire que préparaient les uns, la République bourgeoise et conservatrice que prévoyaient les autres. Ce ne fut pas une entreprise de caste militaire : ce fut une grande précaution sanglante des classes privilégiées. Et quand, après cette tourmente de réaction, le suffrage universel affirma sa volonté républicaine, quand les partis conservateurs, malgré leurs efforts pour semer la panique dans les masses en criant au péril social, furent débordés par la démocratie, ils n’osèrent pas faire appel contre la force légale de la nation à la force brutale de l’armée. Le chef du gouvernement était un soldat, le maréchal de Mac-Mahon. Il fut certainement sollicité à un coup d’État militaire par les plus furieux, par les plus césariens des hommes qui venaient d’être vaincus, sans doute aussi par quelques généraux et par quelques évêques. S’il y songea un instant, il n’osa pas le risquer. Pourquoi ? Parce que la volonté légale de la nation s’était manifestée avec trop d’éclat et de force ; parce que tous les républicains, des plus modérés aux plus hardis, étaient unis contre la détestable entreprise ; parce que plusieurs des chefs politiques de la réaction, gênés par leur tradition parlementaire, répugnaient à l’emploi du sabre ; mais aussi parce que l’armée n’était pas sans réserve à la disposition d’un pouvoir de contrerévolution et de coup d’État.
Non seulement les soldats, recrutés par le service encore inégal, mais universel, dans toute la nation, étaient pénétrés à quelque degré, malgré la séquestration de la caserne, par l’esprit républicain : mais les officiers eux--