dans les conflits sociaux, le monopole formidable de la force armée. Mais tout l’instinct, toute la pensée de la classe ouvrière, dans tous les pays, vont au sens contraire. Partout, les ouvriers, les socialistes, demandent le service militaire pour tous. Pas plus qu’ils ne peuvent admettre que la bourgeoisie soit dispensée par privilège d’argent de sa part du fardeau, ils n’admettraient que la classe ouvrière fût rejetée de l’armée, comme les ilotes à Sparte ou les esclaves à Rome, et que la classe bourgeoise dominât, comme une forteresse hérissée de fusils et de canons, un vaste prolétariat dispensé et servile.
Ils veulent être dans l’armée, même dans l’armée d’aujourd’hui, au risque d’y subir de redoutables consignes. Ils savent bien que ce n’est pas comme classe qu’ils entrent dans l’armée ; ils savent bien qu’ils ne sont pas encore assez forts, politiquement et socialement, pour saisir l’énorme appareil militaire, et qu’ils sont exposés sous l’uniforme à faire les besognes d’un État de privilège, trop asservi encore à la propriété bourgeoise. Mais ils savent aussi qu’ils ne peuvent agir sur l’institution militaire que du dedans. Ils savent que c’est une force pour le peuple ouvrier de porter les armes, même sous le commandement de l’État bourgeois. Ils savent que l’esprit prolétarien et socialiste, insinué dans l’armée par la masse des travailleurs ouvriers et paysans, agit malgré tout à certaines heures, qu’il faut que le pouvoir lui-même, malgré ses contraintes et ses Codes, compte avec cette masse de travailleurs armés, et que celle-ci ne serait pas maniable à tous les desseins. Même si elle ne pouvait, de longtemps encore, recourir qu’à la force d’inertie, cette résistance sourde est parfois presque invincible. Et comment, dans les grandes commotions tragiques, le prolétariat ne serait-il pas mieux préparé à utiliser toutes les chances, étant déjà logé en grande masse au cœur de la forteresse bourgeoise ? Mais, dès lors, il y aurait folie pour lui à ne pas assumer, à ne pas rechercher dans l’armée transformée selon le plan populaire que j’expose toutes les fonctions de commandement