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Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/366

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qui lui seront ouvertes. Même au prix de difficultés tragiques et de responsabilités redoutables, il faut que le prolétariat organisé fournisse le plus possible de cadres nouveaux à l’armée nouvelle.

La politique de répression et de compression capitaliste sera d’autant plus malaisée que ses mots d’ordre, pour parvenir à une armée démocratiquement organisée, devront passer à travers toute une série de chefs dont un grand nombre seront de cœur avec la classe ouvrière. Ou plutôt cette politique de violence systématique du pouvoir deviendra à peu près impossible, et les chefs sortis du prolétariat ou animés de l’esprit socialiste n’auront à redouter que les incidents fortuits qui se produisent dans les grèves et qui peuvent engager soudain leur responsabilité. Ils peuvent être pris, comme chefs, dans cette alternative, redoutable en effet : ou de laisser une foule, surexcitée par la souffrance, commettre, en une minute de colère, contre les choses et les personnes, des actes de violence qu’elle-même regretterait le lendemain, ou de prévenir ces attentats désordonnés par une intervention dont les effets peuvent dépasser soudain, au hasard des chocs et des colères, leur plan et leur volonté. Ce risque est grave, sans doute, mais que serait encore une fois ce risque, même s’il se maintenait au même degré qu’aujourd’hui, auprès de l’intérêt immense qu’a le prolétariat à s’assimiler progressivement l’institution militaire ?

En fait, ce risque ira sans cesse décroissant. Il faut que les chances de conflit brutal, sanglant, entre l’armée et le peuple ouvrier diminuent chaque jour. Il faut qu’elles disparaissent. Elles disparaîtront.

D’abord, il est bien clair que l’organisation largement populaire de l’armée ne sera pas, dans la politique française, un fait isolé. Elle se rattachera nécessairement à une grande politique sociale. C’est une partie d’un programme très vaste et dont toutes les clauses se tiennent. Bien des mesures seront adoptées à la même heure, ou même auront été adoptées plus tôt, qui auront pour effet,