Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/39

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obsédante ; à deux ans de ce régime ininterrompu, les organismes et les cerveaux ne résisteraient pas. La vie des camps, dans sa monotonie forcée et presque claustrale, ou bien aboutit à la paresse crapuleuse et à toutes les basses débauches de l'ennui, ou bien, si elle exalte les énergies par un effort continu, elle ne peut pas se soutenir un très long temps. La conclusion forcée de la méthode d'instruction proposée par M. le général Langlois, c'est donc le service d'un an. Mais il n'en conviendra pas, car ce serait réduire de moitié l'effectif de l'armée dite active, de l'armée de caserne ; ce serait donc diminuer encore la proportion numérique de cette armée active à la réserve ; ce serait presque rendre impossible l'encadrement des réserves dans l'active ; ce serait donc proclamer la suffisance, la prépondérance et l'autonomie des réserves ; ce serait habituer et obliger la nation à voir dans les réserves sa ressource essentielle ; ce serait transporter le centre de gravité de la défense de l'armée de caserne à la nation armée ; ce serait avouer la faillite du vieux système et la nécessité d'un ordre nouveau.

D'ailleurs, même dans les camps d'instruction, les officiers ne disposeront que d'effectifs réduits ; ils pousseront toujours devant eux des compagnies-squelettes, ou bien il faudrait absorber deux compagnies en une seule, mais alors t'est on renoncer â encadrer les réserves dans l'active au jour de la mobilisation, ou s'obliger à dédoubler ce jour-là chacune des compagnies de l'active et à briser les cadres de l'armée de caserne pour y faire entrer la nation ; c'est donc encore, en cette hypothèse, renoncer à faire de l'active le cadre tout prêt où la réserve viendra prendre place. Ainsi, ou il faut subir à jamais les vices d'éducation qui paralysent d'avance la défense nationale, ou il faut se diriger vers un système nouveau.

Aujourd'hui l'enflure, l'hypertrophie du service de caserne corrompt la vie même des réserves. 11 y a une telle disproportion entre l'effort de caserne demandé â la nation et l'effort qui lui est demandé pour les réserves,