Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/70

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une légitime et fière affirmation. Dans le temps où de plus heureux suivaient nos récentes manœuvres et constataient ainsi la réfection matérielle de notre armée, nous avions entre les mains, à notre chevet, les « Éléments de la guerre », et de leur lecture surgissait pour nous une impression non moins consolante, le sentiment de notre relèvement intellectuel.

Ainsi Gilbert se rattache à cette belle lignée des officiers philosophes. Réfléchir toujours, c'est la formule qu'il adopte avec le colonel Maillard et qu'il approfondit. Habitué à la synthèse, c'est-à-dire aux idées générales et systématiques qui procèdent de l'analyse des faits, mais qui peuvent être proposées directement et communiquées à d'autres esprits, il ne prétend pas enfermer dans le cercle des spécialistes, des professionnels, la discussion des problêmes militaires liés à tant d'autres problèmes. Il conclut son étude sur la Théorie de la guerre de Ciausewitz par ces mots :

Nous affirmons que cet ouvrage, beaucoup plus philosophique que technique, s'adresse à tous les penseurs. Un de nos éminents philosophes qui plaidait naguère la cause du désarmement, pourrait lire avec fruit les pages où Clausewitz démontre que l'humanité même conseille de donner à la guerre ce caractère d'intensité, de décision qu'elle prendra nécessairement avec la nation armée. Le consciencieux et habile traducteur de Clausewitz offre donc avec raison son œuvre comme livre de chevet aux hommes aux diplomates, aux élus de la nation, à tous ceux, en un mot, dont l'action personnelle, les conseils et les votes peuvent exercer de l'influence sur la direction des grands intéréts politiques internationaux.

Me voilà, pour ma modeste part, autorisé à examiner et à discuter.

Ce qui domine l'esprit de Gilbert c'est le souci de ménager à la France, dans l'ordre militaire, une sorte de revanche intellectuelle. Il lui paraît que la France vaincue a beaucoup trop de complaisance pour le génie de ses vainqueurs. Elle ne dit pas assez, elle ne sent pas assez que ce qu'ils ont d'excellent et d'efficace, dans leurs méthodes c'est d'elle-même qu'ils l'ont reçu. C'est en formulant, c'est