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II

Comment MM. Couard, Belhomme et Varinard ont-ils établi qu’il y avait décalque ? Peut-être l’ont-ils expliqué à Esterhazy lui-même, avec lequel, selon la déposition de Christian Esterhazy, M. Belhomme s’entretenait pendant la période même de l’expertise. Mais ils n’ont pas mis beaucoup d’empressement à le révéler au public.

Devant la cour d’assises, ils se sont retranchés obstinément dans le secret professionnel. En vain le général de Pellieux disait-il que sur la question des écritures il ne voyait pas la nécessité du huis clos. En vain le président lui-même, se relâchant un peu de sa rigueur, paraissait-il les autoriser à quelques explications. Farouchement ils défendaient le huis clos, et M. Belhomme ajoutait qu’il était résolu au silence le plus complet, sur le conseil de ses avocats.

Mais après tout, ce que nous savons nous suffit. M. Belhomme, si muet devant la cour d’assises, a été moins réservé avec un journal ami, l’Écho de Paris.

Voici ce qu’il dit dans une interview :

Nous avons fait photographier non seulement le bordereau, mais des pages entières du commandant Esterhazy. Sur ces épreuves-là, les similitudes, les ressemblances obtenues dans le Figaro, et depuis, dans le Siècle, qui a employé les mêmes procédés, disparaissent, et on voit que le bordereau n’est pas d’une écriture spontanée. Il y a des surcharges nombreuses, des reprises, des mots décalqués même, car si on les juxtapose, ils s’identifient parfaitement. Or, je défie n’importe qui de tracer deux lettres, et à plus forte raison deux mots entiers avec des caractères absolument identiques.

Celui qui a écrit le bordereau a imité, calqué, c’est manifeste, l’écriture du commandant (Esterhazy). Ce dernier emploie quelquefois, mais assez rarement en somme, des S allemandes ; et dans le bordereau sur six S, il y en a cinq de cette forme et toutes sont calquées.