Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/189

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Savaient-ils, eux aussi, que le bordereau était de l’écriture d’Esterhazy, et ont-ils décidé tout de même d’y reconnaître l’écriture de Dreyfus ?

Si nous consentions un moment à prendre au sérieux les moyens de défense imaginés par certains amis de l’État-Major, il n’y aurait plus qu’à envoyer au bagne, comme coupable du faux le plus criminel, tous ceux qui ont participé au procès Dreyfus.

Je passe donc et je ne retiens de ces inventions misérables que le désordre d’esprit d’un grand nombre de nos adversaires. Ils sont obligés, par l’évidence, de reconnaître que le bordereau est d’Esterhazy, mais ils n’ont pas le courage de tirer la conclusion toute simple, naturelle et sensée : c’est qu’en attribuant le bordereau à Dreyfus et en condamnant celui-ci sur un document qui est d’Esterhazy, on a commis une déplorable erreur. Et ils s’épuisent en inventions désordonnées pour concilier les faits qui démontrent l’innocence de Dreyfus, avec la culpabilité de celui-ci.


III

D’autres disent : « Soit : le bordereau est d’Esterhazy ! mais, dans le procès Dreyfus, le bordereau est secondaire : il est presque une quantité négligeable. C’est pour d’autres raisons surtout que Dreyfus a été condamné : et comme les autres raisons subsistent il n’y a pas eu erreur ; il n’y a pas lieu à revision. »

Quoi ! le bordereau n’a été, au procès Dreyfus, qu’un élément accessoire ? Mais je ne me lasserai pas de le répéter : dans l’acte d’accusation il n’y a contre Dreyfus que le bordereau : il est, selon les paroles mêmes du rapporteur, « la base de l’accusation ». Avant que le bordereau fût découvert et que du Paty de Clam crût démêler une certaine ressemblance entre l’écriture du bordereau et celle de Dreyfus, il n’y avait contre Drey-