Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/264

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impardonnables de n’avoir pas profité de la cruelle expérience du sot Cavaignac.

En tout cas, aucune lâcheté ministérielle, aucune habileté gouvernementale ne prévaudrait contre ce grand fait : c’est que le colonel Henry, directeur du service des renseignements, avait introduit au dossier Dreyfus au moins trois pièces fausses.


IV

M. Zurlinden peut capituler devant les bureaux de la guerre. M. Sarrien peut louvoyer. M. Lockroy, pour flatter quelques grands réactionnaires de la rue Royale, peut se livrer à une besogne équivoque dont il sera châtié. M. Félix Faure, pour échapper aux menaces et aux chantages de la Libre Parole et chasser des splendides salons de l’Élysée le revenant aux chaînes traînantes, peut essayer de maintenir au bagne un innocent. Tous ces calculs de mensonge et de honte pourront retarder de quelques jours la révision nécessaire. Ils n’endormiront pas l’inquiétude de la conscience publique.

Il n’y a plus en France un seul homme sensé, un seul honnête homme qui ne se dise : Puisque l’État-Major a été obligé de fabriquer contre Dreyfus, après coup, des pièces fausses, c’est que contre lui il n’y avait pas de charge vraie : quand on en est réduit à fabriquer de la fausse monnaie, c’est qu’on n’en a pas de bonne.

Et puisque les bureaux de la guerre ont été assez criminels pour faire des faux contre Dreyfus après le procès, quand sa réhabilitation était demandée, comment ne pas soupçonner qu’ils ont recouru contre lui, pendant le procès même, aux plus criminelles manœuvres ?

Oui, les combinaisons et les terreurs de M. Félix Faure n’empêcheront pas la révolte de la conscience publique.

Et qu’il prenne garde. Nous ne sommes pas de ceux