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Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/89

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qui va en manœuvres, il est nécessaire d’appartenir aux bureaux de la guerre, ou même d’être artilleur ?

Il semble qu’un officier d’État-major comme Dreyfus, attaché aux bureaux de la guerre, aurait d’autres moyens de se procurer ce manuel de tir. Il risquait en le demandant à un officier de corps d’éveiller la méfiance. Au contraire, si un officier d’infanterie comme Esterhazy affecte une grande curiosité pour les exercices de tir, s’il demande à assister aux manœuvres de brigade de 1894 et s’il y assiste en effet, il est tout naturel qu’il dise à un officier d’artillerie : « Pour m’aider à suivre utilement les manœuvres, prêtez-moi donc votre manuel de tir ; je vous le rendrai les manœuvres finies. »

Pressé par la défense, le général Gonse lui-même a été obligé d’en convenir devant la cour d’assises (Tome II, page 116) :


Me Clémenceau. ― Est-ce que le général Gonse pense qu’un officier d’infanterie allant aux écoles à feu a pu avoir pendant quelque temps le manuel d’artillerie ? Autrement dit, est-ce qu’un officier d’artillerie aux écoles à feu aurait refusé de prêter à un chef de bataillon d’infanterie, se trouvant à ces écoles à feu, son manuel d’artillerie ?

Le général Gonse. ― Il est certain qu’on aurait pu le lui prêter, parce qu’on n’est pas en défiance avec les officiers d’infanterie ?


À merveille, mais que reste-t-il donc, dans cet ordre d’idées, de l’acte d’accusation ?

C’est parce que trois notes sur cinq se rapportent à l’artillerie que l’on conclut : Ce doit être un artilleur, et l’analyse la plus simple, les aveux mêmes des généraux, bien mieux l’acte d’accusation lui-même établissent que n’importe quel officier a pu, soit par conversation, soit par emprunt, se procurer ces renseignements ou ces documents.