Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


DREYFUS ET BERTILLON


LE BORDEREAU ET LES PREMIERS EXPERTS


Que reste-t-il donc pour attribuer le bordereau à Dreyfus ? Uniquement les expertises d’écriture.

Or il est à peine besoin de faire observer combien « la science des experts » est conjecturale et incertaine.

Il est inutile de rappeler les erreurs effroyables commises par eux. Condamner un homme sur de simples rapports d’écriture a toujours été une témérité coupable.

En tout cas, pour que les expertises d’écriture puissent avoir quelque force probante, il faut que les experts soient unanimes ; il faut qu’entre l’écriture de la pièce criminelle et l’écriture de l’accusé la ressemblance soit si complète, si évidente, si irrésistible que tous, ignorants et savants, à première vue et à l’examen le plus approfondi, d’ensemble et à l’analyse la plus minutieuse, reconnaissent unanimement l’identité.

Nous verrons bientôt qu’il en est ainsi de l’écriture d’Esterhazy comparée à celle du bordereau.

Mais pour Dreyfus c’était tout le contraire. Les experts n’ont pas été d’accord. Sur les cinq qui ont été consultés, deux, MM.  Pelletier et Gobert, ont conclu que le bordereau ne pouvait pas être attribué à Dreyfus.

Trois, MM.  Teyssonnieres, Charavay et Bertillon concluent que le bordereau doit être attribué à Dreyfus. Même si la conclusion de ces derniers était ferme, absolue,