Page:Javal - Entre Aveugles, 1903.pdf/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
ENTRE AVEUGLES

place pour chaque chose et chaque chose à sa place ». Tout objet ayant servi est aussitôt replacé : par exemple les chaises qui peuvent avoir été remuées par un visiteur. Si un étranger vient me voir, on me laisse seul avec lui ; je n’ai besoin de personne pour lui mettre en main un papier ou pour lui démontrer l’usage de mes instruments d’optique. Je circule sans crainte dans la maison, et d’autant plus hardiment que j’ai toujours sur moi une de ces cannes légères dont il a été question plus haut.

Il faut, ai-je entendu dire, que dans la demeure de l’aveugle, les portes soient ouvertes ou fermées. Je ne suis pas de cet avis. Admettons en effet que la famille s’astreigne à ne jamais laisser les portes à moitié ouverte : un jour où un étranger aura négligé cette précaution l’aveugle, plein de confiance, se heurtera et se fera une bosse au front. Le malheur n’est pas grand, mais si on veut l’éviter, le mieux est de ne prendre aucune précaution. Pourvu que l’aveugle ne s’avance jamais sans faire osciller le bout de sa canne devant lui, sa sécurité sera parfaite.

J’avais cru, tout d’abord, que, pour mieux me reconnaître, j’aurais intérêt à établir des repères, par exemple le long des murs ; grâce au stick, cela n’a pas été utile. Dans une très grande maison, il serait commode d’avoir, à certains endroits, des chemins en tapis ou en linoléum, mais je n’en ai pas éprouvé le besoin.