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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/518

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Que dis-je, des hommes ? des vierges parvenues à peine à la vingtième année, qui n’étaient jamais sorties de l’ombre de la maison où elles vivaient, au milieu des parfums et des suaves odeurs, couchées sur des lits moelleux, des filles délicates, gâtées encore par mille recherches, sans autre occupation que la toilette, le luxe, et les raffinement, du bien-être, incapables de se servir elles-mêmes, et entourées pour cet usage d’une foule de suivantes, des filles revêtues d’habits trop moelleux même pour leur mollesse, de souples et fines étoffes de lin, des filles qui ne cessaient de respirer l’odeur des roses et mille autres aussi délicieuses : les voilà qui tout à coup, embrasées de l’amour du Christ, se dépouillent de tout ce faste, de toute cette indolence, oublient le luxe et les plaisirs de leur âge, et pareilles à des athlètes généreux, renoncent à toutes ces douceurs pour se jeter au milieu des combats. Peut-être accuserez-vous mes paroles d’invraisemblance : mais je ne dis que la vérité. Je sais, oui, je sais que des filles délicates en sont venues à ce point d’austérité, de revêtir leur nudité des plus durs cilices, de laisser sans chaussures leurs pieds délicats, de dormir sur un lit de feuillage : que dis-je ? elles passent à veiller la plus grande partie des nuits. Loin de penser aux parfums ou à mille autres de leurs frivolités passées, elles vont jusqu’à négliger cette tête, jadis objet de tant de soins, et se bornent à rattacher leurs cheveux au hasard, afin d’éviter l’indécence. Elles ne font qu’un repas le soir ; et à ce repas elles ne mangent ni légumes ni pain, mais seulement de la farine, des fèves, des pois chiches, des olives et des figues ; elles ne cessent de filer, et s’imposent des tâches bien plus rudes que ne sont celles des servantes. Elles se sont prescrit de soigner les femmes malades ; elles portent leurs lits ; elles leur lavent les pieds ; beaucoup vont jusqu’à faire la cuisine : tant est puissante la flamme du Christ ; tant le zèle peut prévaloir sur la nature. D’ailleurs je n’exige de vous rien de pareil, puisque vous voulez vous laisser dépasser par des femmes.

4. Faites du moins ce qui n’a rien de pénible : maîtrisez vos mains et le dérèglement de vos regards. Que voyez-vous là de difficile ou de malaisé ? Pratiquez la justice, ne faites tort à personne, que vous soyez riche ou pauvre, marchand ou mercenaire : car l’injustice peut pénétrer jusque chez les pauvres. Ne voyez-vous pas combien de batailles ils livrent, combien de bouleversements ils provoquent ? Mariez-vous, ayez des enfants : Paul écrivait aussi pour les gens mariés, et leur adressait aussi ses instructions. La lutte dont je vous ai parlé est une lutte sublime ; le rocher est trop haut, la cime trop voisine du ciel ; vous ne pouvez monter jusque-là : visez donc plus bas. Vous ne pouvez renoncer aux richesses au moins, ne dépouillez pas autrui, ne commettez pas l’injustice. Vous ne pouvez pas jeûner : au moins, ne vous plongez pas dans la mollesse. Vous ne pouvez pas dormir sur un lit de feuillage ? Que l’argent, du moins, n’enrichisse pas votre couche ; ayez un lit, des couvertures qui ne soient point faites pour la montre, mais pour le repos : point de lits d’ivoire, point d’ostentation. Pourquoi charger votre radeau de tant de marchandises ? Si vous savez vous modérer, vous ne, craindrez rien, ni l’envie, ni les voleurs, ni les rapines. Vous êtes moins riches d’argent que de soucis ; moins bien pourvus de trésors que d’angoisses et de dangers : « Ceux qui veulent être riches, introduisent chez eux les tentations et les convoitises funestes ». (1Ti. 6,9) Voilà à quoi s’exposent ceux qui veulent posséder beaucoup de biens. Je ne vous dis pas : Donnez vos soins aux malades : du moins chargez de cela votre serviteur.

Voyez-vous que mes recommandations n’ont rien de bien rigoureux ? Songez plutôt à ces filles délicates qui nous devancent de si loin. Ah ! rougissons de voir que dans les choses du monde, comme la guerre et la lutte, nous sommes si loin de céder l’avantage à leur sexe ; et qu’au contraire elle nous surpassent dans les combats spirituels, nous préviennent quand il s’agit de ravir la palme, et s’élèvent, dans leur vol sublime, aussi haut que l’aigle, tandis que nous, pareils à des corbeaux, nous ne pouvons nous élever au-dessus de la fumée d’ici-bas : oui, à des corbeaux, ou à des chiens gloutons, nous qui ne rêvons que de table et de cuisine. Rappelez-vous les femmes de l’ancien temps : car il y en eut de grandes, d’admirables, comme Sara, Rébecca, Rachel, Débora, Anne ; le temps du Christ aussi en a vu de pareilles ; néanmoins elles ne surpassaient pas les hommes et n’occupaient que le second rang. Aujourd’hui c’est tout le contraire : des femmes nous surpassent, nous éclipsent. Quelle dérision ! quelle ignominie ! Nous occupons