Page:Jean Paul - Sur l’éducation, 1886, trad. Favre.djvu/17

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sant tout l’entre-deux. » Il ajoute aussi : « Mais peut-être que ce n’est qu’un soudain mouvement de l’âme de l’un à l’autre de ces extrêmes, et qu’elle n’est jamais en effet qu’en un point, comme le tison de feu. » Nous croyons qu’une âme maîtresse d’elle-même manifeste tour à tour, selon les circonstances, les qualités les plus opposées, comme la force virile et l’exquise douceur ; et nous dirons même, avec La Rochefoucauld, que la douceur n’est parfaite que dans une âme ferme. La vertu est une, mais les formes en sont infiniment variées. La même force d’âme qui produit l’acte de courage, le sacrifice héroïque, maîtrise aussi les sentiments contraires à la mansuétude et à la charité. Nous ne dirons donc pas avec Jean-Paul qu’il faut corriger ou contenir une force prédominante par la force contraire. L’âme est une, et il s’agit de lui apprendre à se vaincre, à commander à la nature inférieure pour qu’elle se porte, « par un soudain mouvement, d’un extrême à l’autre ».

Jean-Paul, qui reconnaît dans l’homme intérieur deux antithèses, la force et l’amour, attribue à la religion le rôle d’établir entre elles l’harmonie. Il insiste d’autant plus sur la nécessité de « donner à l’enfant un cœur avec un sanctuaire », que nous formons nos enfants pour un avenir où la religion va s’affaiblissant. Nous ne croyons pas que le sentiment religieux puisse jamais s’éteindre, mais il n’a plus la même unité d’expression que dans les siècles de ferveur, où les croyances individuelles étaient fortifiées