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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/101

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que par les livres, ou qui pis est, en ayant seulement ouy parler à ceux qui n’en revindrent jamais, vous ne voulussiez pas, ayant le dessus, vendre vos coquilles (comme on dit) à ceux qui ont esté à S. Michel : c’est à dire, qu’en ce poinct vous desserissiez un peu, et laississiez discourir ceux qui en endurans tels travaux ont esté à la pratique des choses, lesquelles, pour en parler à la verité, ne se peuvent bien glisser au cerveau ny en l’entendement des hommes : sinon (ainsi que dit le proverbe) qu’ils ayent mangé de la vache enragée.

A quoy j’adjousteray, tant sur le premier propos que j’ay touché de la varieté des vents, tempestes, pluyes infectes, chaleurs, que ce qu’en general on voit sur mer, principalement sous l’Equateur, que j’ay veu un de nos Pilotes nommé Jean de Meun, d’Harfleur : lequel, bien qu’il ne sceut ny A, ny B, avoit neantmoins, par la longue experience avec ses cartes, Astrolabes, et Baston de Jacob, si bien profité en l’art de navigation, qu’à tout coup, et nommément durant la tormente, il faisoit taire un sçavant personnage (que je ne nommeray point) lequel cependant estant dans nostre navire, en temps calme triomphoit d’enseigner la Theorique. Non pas toutesfois que pour cela je condamne, ou vueille en façon que ce soit, blasmer les sciences qui s’acquierent et apprennent és escoles, et par l’estude des livres : rien moins, tant s’en faut que ce soit mon intention : mais bien requerroy-je, que, sans tant s’arrester à l’opinion de qui que ce fust, on ne m’alleguast jamais raison contre l’experience d’une chose. Je prie donc les lecteurs de me supporter, si en me resouvenant de nostre pain pourri, et de nos eaux puantes, ensemble des autres incommoditez que nous endurasmes, et comparant cela avec