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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/102

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la bonne chere de ces grans censeurs, faisant ceste digression, je me suis un peu coleré contre eux. Au surplus, à cause des difficultez susdites, et pour les raisons que j’en diray plus amplement ailleurs, plusieurs mariniers apres avoir mangé tous leurs vivres en ces endroits-là, c’est à dire, sous la Zone Torride, sans pouvoir outrepasser l’Equateur, ont esté contrains de relascher et retourner en arriere d’où ils estoyent venus.

Quand à nous, apres qu’en telle misere que vous avez entendu, nous eusmes demeuré, viré et tourné environ cinq sepmaines à l’entour de ceste ligne, en estans finalement peu à peu ainsi approchez, Dieu ayant pitié de nous, et nous envoyant le vent de Nord-Nord’est, fit, que le quatriesme jour de Febvrier nous fusmes poussez droit sous icelle. Or elle est appellée Equinoctiale, pource que non seulement en tous temps et saisons les jours et les nuicts y sont tousjours esgaux, mais aussi parce que quand le soleil est droit en icelle, ce qui advient deux fois l’année, assavoir l’onziesme de Mars, et le treziesme de Septembre, les jours et les nuicts sont aussi esgaux par tout le monde universel : tellement que ceux qui habitent sous les deux Poles Arctique et Antarctique, participans seulement ces deux jours de l’année du jour et de la nuict, dés le lendemain, les uns ou les autres (chascun à son tour) perdent le soleil de veuë pour demi an.

Cedit jour doncques quatriesme de Febvrier, que nous passasmes le Centre, ou plustost la Ceinture du monde, les matelots firent les ceremonies par eux accoustumées en ce tant fascheux et dangereux passage. Assavoir pour faire ressouvenir ceux qui n’ont jamais passé sous l’Equateur, les lier de cordes et plonger en mer, ou bien, avec un vieux drappeau frotté au cul de