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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/103

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la chaudiere, leur noircir et barbouiller le visage : toutesfois on se peut racheter et exempter de cela, comme je fis, en leur payant le vin.

Ainsi sans intervalle, nous singlasmes de nostre bon vent de Nord-Nord’est, jusques à quatre degrez au-delà de la ligne Equinoctiale. De là nous commençasmes de voir le Pole Antarctique, lequel les mariniers de Normandie appellent l’Estoile du Su : à l’entour de laquelle, comme je remarquay dés lors, il y a certaines autres estoiles en croix, qu’ils appellent aussi la croisée du Su. Comme au semblable quelque autre a escrit, que les premiers qui de nostre temps firent ce voyage, rapporterent qu’il se voit tousjours pres d’iceluy Pole Antarctique, ou midi, une petite nuée blanche et quatre estoiles en croix, avec trois autres qui ressemblent à nostre Septentrion. Or il y avoit desja long temps que nous avions perdu de veuë le Pole Arctique : et diray ici en passant, que non seulement, ainsi qu’aucuns pensent (et semble aussi par la Sphere se pouvoir faire) on ne sauroit voir les deux Poles, quand on est droit sous l’Equateur, mais mesmes n’en pouvans voir ny l’un ny l’autre, il faut estre esloigné d’environ deux degrez du costé du Nord ou du Su, pour voir l’Arctique ou l’Antarctique.

Le treziesme dudit mois de Febvrier que le temps estoit beau et clair, apres que nos Pilotes et maistres de navires eurent prins hauteur à l’Astrolabe, ils nous asseurerent que nous avions le soleil droit pour Zeni, et en la Zone si droite et directe sur la teste, qu’il estoit impossible de plus. Et de fait, quoy que pour l’experimenter nous plantissions des dagues, cousteaux, poinssons et autres choses sur le Tillac, les rayons donnoyent tellement à plomb, que ce jour-là principalement à midi, nous ne vismes nul ombrage