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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/110

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et fismes voile. Ainsi costoyans la terre, et tirans où nous pretendions d’aller, nous n’eusmes pas navigé neuf ou dix lieuës que nous nous trouvasmes à l’endroit d’un fort des Portugais, nommé par eux SPIRITUS SANCTUS (et par les sauvages Moab), lesquels recognoissans, tant nostre equippage que celuy de la caravelle que nous emmenions (qu’ils jugerent bien aussi que nous avions prinse sur ceux de leur nation), tirerent trois coups de canon sur nous : et nous semblablement pour leur respondre trois ou quatre contre eux : toutesfois, parce que nous estions trop loin pour la portée des pieces, comme ils ne nous offenserent point, aussi croy-je que ne fismes nous pas eux.

Poursuyvans doncques nostre route, en costoyant tousjours la terre, nous passasmes aupres d’un lieu nommé Tapemiry : où à l’entrée de la terre ferme, et à l’emboucheure de la mer, il y a des petites isles : et croy que les sauvages qui demeurent là sont amis et alliez des François.

Un peu plus avant, et par les vingt degrez, habitent les Paraibes, autres sauvages, en la terre desquels, comme je remarquay en passant, il se void de petites montagnes faites en pointe et forme de cheminées.

Le premier jour de Mars nous estions à la hauteur des petites Basses, c’est à dire escueils et pointes de terre entremeslées de petits rochers qui s’avancent en mer, lesquels les mariniers, de crainte que leurs vaisseaux n’y touchent, evitent et s’en eslongnent tant qu’il leur est possible. A l’endroit de ces Basses, nous descouvrismes et vismes bien à clair une terre plaine, laquelle l’environ quinze lieues de longueur, est possedée et habitée des Ouetacas, sauvages si farouches et estranges, que comme ils ne peuvent demeurer en paix l’un avec