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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/148

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la surprendre, comme les Portugais, par la faute de ceux que nous y laissasmes, ont fait depuis nostre retour. Au surplus y ayant deux montagnes aux deux bouts, Villegagnon sur chacune d’icelle fit faire une maisonnette : comme aussi sur un rocher de cinquante ou soixante pieds de haut, qui est au milieu de l’isle, il avoit fait bastir sa maison.

De costé et d’autre de ce rocher, nous avions applani et fait quelques petites places, esquelles estoyent basties, tant la salle où on s’assembloit pour faire le presche et pour manger, qu’autres logis, esquels (comprenant tous les gens de Villegagnon) environ quatre vingts personnes que nous estions, residents en ce lieu, logions et nous accommodions. Mais notez, qu’excepté la maison qui est sur la roche, où il y a un peu de charpenterie, et quelques boullevards sur lesquels l’artillerie estoit placée, lesquels sont revestus de telle quelle massonnerie, que ce sont tous logis, ou plustost loges : desquels comme les sauvages en ont esté les architectes, aussi les ont-ils bastis à leur mode, assavoir de bois ronds, et couverts d’herbes. Voila en peu de mots quel estoit l’artifice du fort, lequel Villegagnon, pensant faire chose agreable à messire Gaspard de Coligny Admiral de France (sans la faveur aussi et assistance duquel, comme j’ay dit du commencement, il n’eust jamais eu ni le moyen de faire le voyage, ni de bastir aucune forteresse en la terre du Bresil) nomma Coligny en la France Antarctique. Mais faisant semblant de perpetuer le nom de cest excellent seigneur, duquel voirement la memoire sera à jamais honnorable entre toutes gens de bien, je laisse à penser, outre ce que Villegagnon (contre la promesse qu’il luy avoit faite avant que partir de France d’establir le pur service de Dieu en