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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/149

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ce pays-là) se revolta de la Religion, combien encore en quittant ceste place aux Portugais, qui en sont maintenant possesseurs, il leur donna occasion de faire leurs trophées et du nom de Coligny et du nom de France Antarctique qu’on avoit imposé à ce pays-là.

Sur lequel propos, je diray que je ne me puis aussi assez esmerveiller de ce que Thevet en l’an 1558. et environ deux ans apres son retour de l’Amerique, voulant semblablement complaire au Roy Henry second, lors regnant, non seulement en une carte qu’il fit faire de ceste riviere de Ganabara et fort de Coligny, fit pourtraire à costé gauche d’icelle en terre ferme, une ville qu’il nomma Ville Henry : mais aussi, quoy qu’il ait eu assez de temps depuis pour penser que c’estoit pure moquerie, l’a neantmoins derechef fait mettre en sa Cosmographie. Car quand nous partismes de ceste terre du Bresil, qui fut plus de dixhuict mois apres Thevet, je maintien qu’il n’y avoit aucune forme de bastimens, moins village ni ville à l’endroit où il nous en a forgé et marqué une vrayement fantastique. Aussi luy-mesme estant en incertitude de ce qui devoit proceder au nom de ceste ville imaginaire, à la maniere de ceux qui disputent s’il faut dire bonnet rouge, ou rouge bonnet, l’ayant nommée Ville Henry en sa premiere Carte, et Henryville en la seconde, donne assez à conjecturer que tout ce qu’il en dit n’est qu’imagination et chose supposée par luy : tellement que sans crainte de l’equivoque, le lecteur choisissant lequel qu’il voudra de ces deux noms, trouvera que c’est tousjours tout un, assavoir rien que de la peinture. De quoy je conclu neantmoins, que Thevet dés lors, non seulement se joua plus du nom du Roy Henry, que ne fit Villegagnon de celuy de Coligny qu’il imposa à son fort, mais qu’aussi, par ceste reiteration