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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/190

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qu’elle a fort courte (et notez en cest endroit qu’il se trouve beaucoup de bestes en l’Amerique qui n’en ont point du tout) que des dents, lesquelles elle a beaucoup plus trenchantes et aigues : cependant pour cela, n’ayant aucune resistance que la fuite, elle n’est nullement dangereuse. Les sauvages la tuent, comme plusieurs autres, à coups de flesches ; ou la prennent à des chausses-trapes et autres engins qu’ils font assez industrieusement.

Au reste, cest animal, à cause de sa peau est merveilleusement estimé d’eux : car, quand ils l’escorchent, coupans en rond tout le cuir du dos, apres qu’il est bien sec, ils en font des rondelles aussi grandes que le fond d’un moyen tonneau, lesquelles leur servent à soustenir les coups de flesches de leurs ennemis quand ils vont en guerre. Et de faict, ceste peau ainsi seichée et accoustrée est si dure, que je ne crois pas qu’il y ait flesche, tant rudement descochée fust-elle, qui la sceut percer. Je rapportois en France par singularité deux de ces Targes, mais quand à nostre retour, la famine nous print sur mer, apres que tous nos vivres furent faillis, et que les Guenons, Perroquets, et autres animaux que nous apportions de ce pays-là, nous eurent servi de nourriture, encor nous fallut-il manger nos rondelles grillées sur les charbons, voire, comme je diray en son lieu, tous les autres cuirs et toutes les peaux que nous avions dans nostre vaisseau.

Touchant la chair de ce Tapiroussou, elle a presque le mesme goust que celle de boeuf : mais quant à la façon de la cuire et apprester, nos sauvages, à leur mode, la font ordinairement boucaner. Et parce que j’ay ja touché cy devant, et faudra encore que je reitere souvent cy apres ceste façon de parler boucaner :