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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/191

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à fin de ne tenir plus le lecteur en suspens, joint aussi que l’occasion se presente icy maintenant bien à propos, je veux declarer quelle en est la maniere.

Nos Ameriquains doncques, fichans assez avant dans terre quatre fourches de bois, aussi grosses que le bras, distantes en quarré d’environ trois pieds, et esgalement hautes eslevées de deux et demi, mettans sur icelles des bastons à travers, à un pouce ou deux doigts pres l’un de l’autre, font de ceste façon une grande grille de bois, laquelle en leur langage ils appellent Boucan. Tellement qu’en ayant plusieurs plantez en leurs maisons, ceux d’entr’eux qui ont de la chair, la mettans dessus par pieces, et avec du bois bien sec, qui ne rend pas beaucoup de fumée, faisant un petit feu lent dessous, en la tournant et retournant de demi quart en demi quart d’heure, la laissent ainsi cuire autant de temps qu’il leur plaist. Et mesmes parce que ne sallans pas leurs viandes pour les garder, comme nous faisons par deçà, ils n’ont autre moyen de les conserver sinon les faire cuire, s’ils avoyent prins en un jour trente bestes fauves, ou autres telles que nous les descrirons en ce chapitre, à fin d’eviter qu’elles ne s’empuantissent, elles seront incontinent toutes mises par pieces sur le boucan : de maniere qu’ainsi que j’ay dit, les virans et revirans souvent sur iceluy, ils les y laisseront quelques fois plus de vingtquatre heures, et jusques à ce que le milieu et tout aupres des os soit aussi cuit que le dehors. Ainsi font-ils des poissons, desquels mesmes quand ils ont grande quantité (et nommément de ceux qu’ils appellent Piraparati, qui sont francs mulets, dont je parleray encor ailleurs) apres qu’ils sont bien secs, ils en font de la farine. Brief, ces Boucans leur servans de salloirs, de crochets et de garde-manger, vous n’iriez guere en