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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/203

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leurs poules que d’oiseaux sauvages, les laissans pondre où bon leur semble, elles amenent le plus souvent leurs poussins des bois et buissons où elles ont couvé : tellement que les femmes sauvages n’ont pas tant de peine d’eslever les petits d’Indets avec des moyeufs d’oeufs qu’on a par-deçà. Et de faict, les poules multiplient de telle façon en ce pays-là, qu’il y a tels endroits et tels villages, des moins frequentez par les estrangers, où pour un cousteau de la valeur d’un carolus, on aura une poule d’Inde, et pour un de deux liards, ou pour cinq ou six haims à pescher, trois ou quatre des petites communes.

Or avec ces deux sortes de poulailles nos sauvages nourrissent domestiquement des cannes d’Indes, qu’ils appellent Upec : mais parce que nos pauvres Toüoupinambaoults ont ceste folle opinion enracinée en la cervelle, que s’ils mangeoyent de cest animal qui marche si pesamment, cela les empescheroit de courir quand ils seroyent chassez et poursuyvis de leurs ennemis, il sera bien habile qui leur en fera taster : s’abstenans, pour mesme cause, de toutes bestes qui vont lentement, et mesmes des poissons, comme les Rayes et autres qui ne nagent pas viste.

Quant aux oyseaux sauvages, il s’en prend par les bois de gros comme chappons, et de trois sortes, que les Bresiliens nomment Jacoutin, Jacoupen et Jacou-ouassou, lesquels ont tous le plumage noir et gris : mais quant à leur goust comme je croy que ce sont especes de faisans, aussi puis-je asseurer qu’il n’est pas possible de manger de meilleures viandes que ces Jacous.

Ils en ont encores de deux sortes d’excellens qu’ils appellent Mouton, lesquels sont aussi gros que Paons, et de mesme plumage que les susdits : toutesfois ceux-ci sont rares et s’en trouve peu.