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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/215

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J’adjousteray encores, qu’en remuant la terre et dessous les pierres, en nostre contrée du Bresil, on trouve des scorpions lesquels, combien qu’ils soyent beaucoup plus petits que ceux qu’on voit en Provence, neantmoins pour cela ne laissent pas, comme je l’ay experimenté, d’avoir leurs pointures venimeuses et mortelles. Comme ainsi soit doncques que cest animal cerche les choses nettes, advint qu’apres que j’eu un jour fait blanchir mon lict de cotton, l’ayant rependu en l’air, à la façon des sauvages, il y eut un scorpion qui s’estant caché dans le repli : ainsi que je me voulu coucher, et sans que je le visse, me picqua au grand doigt de la main gauche, laquelle fut si soudainement enflée, que si en diligence je n’eusse eu recours à l’un de nos Apothicaires (lequel en tenant de morts dans une phiole, avec de l’huile, m’en appliqua un sur le doigt), il n’y a point de doute que le venin ne se fust incontinent espanché par tout le corps. Et de fait, nonobstant ce remede, lequel neantmoins on estime le plus souverain à ce mal, la contagion fut si grande, que je demeuray l’espace de vingt-quatre heures en telle destresse, que de la vehemence de la douleur je ne me pouvois contenir. Les sauvages aussi estans piquez de ces scorpions, s’ils les peuvent prendre, usent de la mesme recepte, assavoir de les tuer et escacher soudain sur la partie offensée. Et au surplus, comme j’ay dit quelque part, qu’ils sont fort vindicatifs, voire forcenez contre toutes choses qui leur nuisent, mesmes s’ils s’aheurtent du pied contre une pierre, ainsi que chiens enragez ils la mordront à belles dents : aussi recerchans à toutes restes les bestes qui les endommagent, ils en despeuplent leur pays tant qu’ils peuvent. Finalement il y a des Cancres terrestres, appellés Oussa par les Toüoupinambaoults,