Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/50

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monstreray en ceste histoire, n’arrivasmes en ce pays là au fort de Colligny, situé en la mesme riviere, qu’au commencement de Mars 1557 : puis, di-je, qu’il appert clairement par là, qu’il y avoit plus de treize mois que Thevet n’y estoit plus, comment a-il esté si hardi de dire et escrire qu’il nous y a veus ?

Le fossé de pres de deux mille lieuës de mer entre luy, dés long temps de retour à Paris, et nous qui estions sous le Tropique de Capricorne, ne le pouvoit-il garentir ? si faisoit, mais il avoit envie de pousser et mentir ainsi Cosmographiquement : c’est à dire, à tout le monde. Parquoy ce premier poinct prouvé contre luy, tout ce qu’il dit au reste ne meriteroit aucune response. Toutesfois pour soudre toutes les repliques qu’il pourroit avoir touchant la sedition dont il cuide parler : je di en premier lieu, qu’il ne se trouvera pas qu’il y en ait eu aucune au fort de Colligny, pendant que nous y estions ; moins y eut-il un seul François tué de nostre temps. Et partant si Thevet veut encores dire que, quoy qu’il en soit, il y eut une conjuration des gens de Villegagnon contre luy en ce pays-là, en cas, di-je, qu’il nous la voulust imputer, je ne veux derechef pour nous servir d’Apologie, et pour monstrer qu’elle estoit advenue avant que nous y fussions arrivez, que le propre tesmoignage de Villegagnon. Parquoy combien que la lettre en Latin qu’il escrivit à M. Jean Calvin, respondant à celle que nous luy portasmes de sa part, ait ja dés long temps esté traduite et imprimée en autre lieu : et que mesme si quelqu’un doute de ce que je di, l’original escrit d’ancre de Bresil, qui est encores en bonne main, face tousjours foy de ce qui en est : parce qu’elle servira doublement à ceste matiere, assavoir, et pour refuter Thevet, et pour monstrer quant et quant quelle religion Villegagnon faisoit semblant