Aller au contenu

Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


« Le pays estoit du tout desert, et en friche : il n’y avoit point de maison, ny de toicts, ny aucune commodité de bled. Au contraire, il y avoit des gens farouches et sauvages, esloignez de toute courtoisie et humanité, du tout differens de nous en façon de faire et instruction : sans religion, ny aucune cognoissance d’honnesteté ni de vertu, de ce qui est droit ou injuste : en sorte qu’il me venoit en pensée, assavoir si nous estions tombez entre des bestes portans la figure humaine. Il nous falloit pourvoir à toutes ces incommoditez à bon escient, et en toute diligence, et y trouver remede pendant que les navires s’apprestoyent au retour, de peur que ceux du pays, pour l’envie qu’ils avoyent de ce que nous avions apporté, ne nous surprinssent au despourveu, et missent à mort.

« Il y avoit davantage le voisinage des Portugallois, lesquels ne nous voulans point de bien, et n’ayans peu garder le pays que nous tenons maintenant, prennent fort mal à gré qu’on nous y ait receu, et nous portent une haine mortelle. Parquoy toutes ces choses se presentoyent à nous ensemble : assavoir qu’il nous falloit choisir un lieu pour nostre retraite, le defricher et applanir, y mener de toutes parts de la provision et munition, dresser des forts, bastir des toicts et logis pour la garde de nostre bagage, assembler d’alentour la matiere et estoffe, et par faute de bestes le porter sur les espaules au haut d’un costau par des lieux forts, et bois tres-empeschans. En outre, d’autant que ceux du pays vivent au jour la journée, ne se soucians de labourer la terre, nous ne trouvions point de vivres assemblez en un certain lieu, mais il nous les falloit aller recueillir et querir bien loin çà et là : dont il advenoit que nostre compagnie, petite comme elle estoit, necessairement s’escartoit et diminuoit.