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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/54

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« Par quoy nous nous sommes transportez en une Isle esloignée de terre ferme d’environ deux lieues, et là j’ay choisi lieu pour nostre demeure, à fin que tout moyen de s’enfuir estant osté, je peusse retenir nostre troupe en son devoir : et pource que les femmes ne viendroyent point vers nous sans leurs maris, l’occasion de forfaire en cest endroit fut retranchée. Ce neantmoins il est advenu que vingt-six de nos mercenaires estans amorsez par leurs cupiditez charnelles, ont conspiré de me faire mourir. Mais au jour assigné pour l’execution, l’entreprinse m’a esté revelée par un des complices, au mesme instant qu’ils venoyent en diligence pour m’accabler. Nous avons evité un tel danger par ce moyen : c’est qu’ayant fait armer cinq de mes domestiques, j’ay commencé d’aller droit contre eux : alors ces conspirateurs ont esté saisis de telle frayeur et estonnement que sans difficulté ny resistance nous avons empoigné et emprisonné quatre des principaux autheurs du complot qui m’avoyent esté declarez. Les autres espouvantez de cela, laissans les armes se sont tenus cachez. Le lendemain nous en avons deslié un des chaines, à fin qu’en plus grande liberté il peust plaider sa cause : mais prenant la course, il se precipita dedans la mer, et s’estouffa. Les autres qui restoyent, estans amenez pour estre examinez, ainsi liez comme ils estoyent, ont de leur bon gré sans question declaré ce que nous avions entendu par celuy qui les avoit accusez. Un d’iceux ayant un peu auparavant esté chastié de moy pour avoir eu affaire avec une putain, s’est demonstré de plus mauvais vouloir, et a dit que le commencement de la conjuration estoit venu de luy, et qu’il avoit gagné par presens le pere de la paillarde, à fin qu’il le tirast hors de ma puissance si je le pressoye de s’abstenir de la compagnie