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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/92

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car comme j’ay touché du poisson volant, je ne pense pas que ces albacores, ayans principalement leurs repaires entre les deux Tropiques et en la haute mer, s’approchent si près des rivages que les pescheurs en puissent apporter sans estre gastez et corrompus. Ce que je di toutesfois, pour l’esgard de nous habitans en ce climat : car quant aux Afriquains qui sont ès bords du costé de l’Est, et à ceux du Peru, et environs du costé de l’Oest, il se peut bien faire qu’ils en ayent commodément.

La Dorade, laquelle à mon jugement est ainsi appelée, parce qu’estant dans l’eau elle paroist jaune, et reluit comme fin or, quant à la figure approche aucunement du saumon : neantmoins elle differe en cela, qu’elle est comme enfoncée sur le dos. Mais au reste pour en avoir tasté, je tien que ce poisson n’est pas seulement encor meilleur que tous les sus mentionnez, mais que aussi ni en eau salée ni en eau douce il ne s’en trouvera point de plus delicat.


Touchant les Marsouins, il s’en trouve de deux sortes : car au lieu que les uns ont le groin presque aussi pointu que le bec d’une oye, les autres au contraire, l’ont si rond et moussé, que quand ils levent le nez hors de l’eau il semble que ce soit une boule. Aussi à cause de la conformité que ces derniers ont avec les encapeluchonnez, estans sur mer nous les appelions, testes de moines. Quant au reste de la forme de toutes les deux especes, j’en ay veu de cinq à six pieds de long, lesquels ayans la queue fort large et fourcheue, avoyent tous un pertuis sur la teste, par où non seulement ils prenoyent vent et respiroyent, mais aussi estans dans la mer jettoyent quelquesfois l’eau par ce trou. Mais surtout quand la mer commence de s’esmouvoir, ces marsouins paroissans soudain sur l’eau,