Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/110

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de ceste nation des Toüoupinambaoults dont je parle, ne commence logis ni bastiment qu’il ne puisse voir achever, voir faire et refaire plus de vingt fois en sa vie, si toutesfois il vient en aage d’homme. Que si vous leur demandez, pourquoy ils remuent si souvent leur mesnage ils n’ont autre response, sinon de dire que changeans ainsi d’air, ils s’en portent mieux, et que s’ils faisoyent autrement que leurs grands peres n’ont fait, ils mourroyent soudainement. Pour l’esgard des champs et des terres, chaque pere de famille en aura bien aussi quelques arpens à part, qu’il choisit où il veut à sa commodité, pour faire son jardin et planter ses racines : mais du reste, de se tant soucier de partager leurs heritages, moins plaider pour planter des bornes, à fin d’en faire les separations, ils laissent faire cela aux enterrez avaricieux et chiquaneurs de par-deçà.

Quant à leurs meubles, j’ay jà dit en plusieurs endroits de ceste histoire quels ils sont : mais encor, à fin de ne rien laisser en arriere de ce que je sçay appartenir à l’œconomie de nos sauvages, je veux premierement icy declarer la methode que leurs femmes tiennent à filer le cotton : de quoy elles se servent tant à faire des cordons qu’autres choses, et nommément és licts desquels en second lieu je declareray aussi la façon. Voici donc comme elles en usent : c’est qu’apres (comme j’ay dit ci-dessus descrivant l’arbre qui le porte) qu’elles l’ont tiré des touffeaux où il croist, l’ayant un peu esparpillé avec les doigts (sans autrement le carder) le tenant par petits monceaux aupres d’elles, soit à terre ou sur quelque autre chose (car elles n’usent pas de quenouilles comme les femmes de par-deçà), leur fuseau estant un baston rond, non plus gros que le doigt, et de longueur environ un pied,