Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lequel passe droit au milieu d’un petit ais arrondi ainsi qu’un trenchoir de bois et de mesme espesseur, attachans le cotton au plus long bout de ce baston qui traverse, en le tournant puis apres sur leurs cuisses et le laschans de la main comme les filandieres font leurs fusées : ce rouleau virevotant ainsi sur le costé comme une grande pirouette parmi leurs maisons ou autres places, elles filent non seulement en ceste façon de gros filets pour faire des licts, mais aussi j’en avois apporté en France d’autre deslié si bien ainsi filé et retords par ces femmes sauvages, qu’en ayant fait piquer un pourpoint de toile blanche, chacun qui le voyoit estimoit que ce fust fine soye perlée.

Touchant les licts de cotton qui sont appeliez Inis, par les sauvages, leurs femmes ayans des mestiers de bois, non pas à plat comme ceux de nos tisserans, ni avec tant d’engins, mais seulement eslevez devant elles de leur hauteur, apres qu’elles ont ourdi à leur mode, commençans à tistre par le bas, elles en font les uns en maniere de rets ou filets à pescher, et les autres plus serrez comme gros canevats : et au reste estans ces licts pour la pluspart longs de quatre, cinq ou six pieds, et d’une brasse de large, plus ou moins, tous ont deux boucles aux deux bouts faites aussi de cotton, ausquelles les sauvages lient des cordes pour les attacher et pendre en l’air à quelques pieces de bois mises en travers, expressément pour cest effect en leurs maisons. Que si aussi ils vont à la guerre, ou qu’ils couchent par les bois à la chasse, ou sur le bord de la mer, ou des rivieres à la pescherie, ils les pendent lors entre deux arbres. Et pour achever de tout dire sur ceste matiere, quand ces licts de cotton sont salis, soit de la sueur des personnes, ou de la fumée de tant de feux qu’on fait continuellement és maisons esquelles ils sont pendus, ou autrement : les femmes